Les satires du monde de l’édition ne sont pas si nombreuses. Balzac intimide avec ses « Illusions perdues ». Peut-être aussi les romanciers ont-ils beaucoup à perdre. A trop remuer le marigot, ils pourraient s’y laisser engloutir.

Louis-Henri de La Rochefoucauld tente sa chance avec le genre. Drôle, fluide, bien senti, ses « Petits farceurs » (Robert Laffont, 2023) enchaînent portraits à charge et peintures de soirées, d’entrevues, de coups bas… On y reconnaît tel auteur à succès, tel type d’éditeur. On y observe les mécaniques d’un monde régi par les impératifs économiques et le souci des apparences. Rien de nouveau sinon que c’est dit avec élégance, et que le livre se clôt sur un paradoxe : Balzac avait voulu prévenir les ambitieux qu’il valait mieux renoncer, son roman a été compris comme une incitation à se lancer. Pas sûr que « Les petits farceurs » dissipent le malentendu…

« En plus d’être d’une susceptibilité et d’une fierté de coqs, les écrivains sont d’une confondante naïveté. Si ces dindons connaissaient l’envers du décor, les éditeurs qui jouent avec eux comme avec des pions jetables, les critiques qui ne liront jamais leurs livres et se moquent d’eux dans leur dos, leurs amis proches qui déblatèrent au cours de dîners auxquels eux ne sont plus conviés… Il me semble que ça leur ferait du bien d’ouvrir les yeux – mais peut-être que ça les anéantirait. » (p 74)