La littérature sous caféine


mercredi 31 janvier 2018

Le professeur comme collectionneur de textes

L’autre jour un collègue me confiait qu’il était fier, cette année, d’avoir ajouté deux textes à la liste de ceux qu’il propose habituellement à ses élèves… J’ai d’abord eu du mal à réaliser ce qu’il me disait vraiment – je suis plutôt habitué, par mon travail en école préparatoire, à soumettre chaque année des dizaines de nouveaux extraits. Mais, quelle que soit la quantité de matière qu’on propose aux classes, il n’en reste pas moins que le professeur, au cours d’une carrière, se voit amené à constituer une sorte de réserve personnelle, une collection qu’il finira par connaître sur le bout des doigts, qu’il peaufinera, qu’il complètera, qu’il élaguera, dont il apprendra à densifier le commentaire, dont il apprendra à parler avec un amour croissant et un sens affiné du détail.

Et plus les années passeront, plus il offrira par le biais de cette sélection une image fidèle de lui-même. Cherchant à synthétiser ce qu’il sait de la culture, il proposera ce qu’il espère en représenter la quintessence – ce faisant, par cette sorte d’objet très général passé par le prisme de ses goûts, de ses obsessions, il mettra sur la table un résumé de sa propre vie. Plusieurs décennies de choix ne peuvent mentir !

lundi 22 janvier 2018

Les multiplicateurs de bibliothèque

Le problème avec les essais très stimulants, c’est qu’ils vous font commander une bonne demi-douzaine de livres pour peu que leur système de notes et de bibliographie soit conséquent. Ainsi, depuis que j’ai lu « Logique de la Science-fiction » (Jean-Clet Martin), mon rayon de romans de science-fiction a quasiment doublé… Les prochaines semaines, je vais devoir lire toute une série de livres très mauvais pour éclaircir un peu ma bibliothèque.

vendredi 5 janvier 2018

Rebatet, pire que Céline ?

Difficile de ne pas jeter un œil aux pamphlets de Céline à l’heure où la polémique bat son plein : Gallimard doit-il publier ces textes violemment antisémites, même accompagnés d’un appareil critique conséquent ? Ce qui me frappe à la (re)lecture, c’est le fait que l’auteur atteigne ici à la fois le comble de l’ignoble et le comble du style. La haine lui réussit. Dans ces sortes de délires, il multiplie les figures comme jamais il ne l’a fait et cela donne une masse certes indigeste mais truffée de trouvailles et d’effets sonores. La forme n’excuse bien sûr pas le fond, mais on en vient à regretter que Céline n’ait pas réservé son sens inouï de la formule à d’autres sujets.

A propos d’antisémitisme, je trouve d’ailleurs la logorrhée célinienne moins effrayante que celle de Rebatet. Cette dernière est plus maîtrisée, plus réfléchie. Les Décombres (1942) font froid dans le dos : on sent toute l’épaisseur du projet, son côté assumé, soutenu par un style étincelant. Avec Céline, on a plutôt l’impression d’entrer dans la tête d’un vieux fou.