La littérature sous caféine


mardi 30 janvier 2024

Rap et champagne

Depuis que j'habite en Champagne, je m'amuse à guetter dans le rap la présence de la boisson de rois. Symbole de raffinement, il s'affiche (mieux, se dilapide) comme un gage de succès. Snoop et Pharrell célébraient le Chandon dans "Drop it like it's hot" (2004), 50 Cent arrosait de mousse ses copines lascives dans "Disco Inferno " (2005), Rick Ross poursuit le storytelling du rap au champagne en 2023 dans l'imparable "Shaq & Kobe". Contraste maximal entre la protestation de bon goût et la vulgarité...

"Sippin' champagne, i own it myself
You niggas better learn to own you some wealth."

lundi 15 janvier 2024

Cervantès 2024

Heureux d'avoir commencé mon année à Madrid. Ça tombe bien, je comptais mettre 2024 sous le signe de Cervantès, après avoir placé 2023 sous l'égide de Dante et de Céline. Depuis quelques temps je laisse ainsi respirer de grandes oeuvres en moi, me laissant la chance de les finir et de me les appropier. Sans ces marathons, j'aurais la sensation de courir après les chefs-d'œuvre, de les lire trop vite et de m'essouffler.

Le livre, vintage

A Madrid, je retrouve cette tendance des beaux hôtels à utiliser comme éléments de décoration de vieux livres de poche français. Mythification de la littérature ? Le vintage est un baiser de la mort... Pas l'impression qu'un seul client ait envie de feuilleter le moindre volume, alors que je les aurais bien tous dérobés, moi.

lundi 8 janvier 2024

Expérience avortée...

Je m’étais dit qu’il pouvait être intéressant de faire lire à mes étudiants quelques pages du roman de Nicolas Mathieu, « Connemara ». Comment réagiraient-ils à cette satire de l’audit ? Ils se préparent à entrer en entreprise mais n’en connaissent rien. Je les avais mis en garde : le chapitre leur donnerait une vision concrète mais pourrait les accabler.

Leurs réactions n’ont pas été probantes. Ils ont trouvé la peinture un peu triste, et n’ont pas pris la peine de lire ce que nous n’avions pas eu le temps de découvrir en classe. L’ironie, c’est qu’ils se sont ainsi comportés comme le romancier le reproche aux cadres sup, c’est-à-dire en se faisant une religion de l’efficacité. A quelques mois des concours, pourquoi perdre son temps à lire un roman ? Il y aurait cependant mauvaise grâce à le leur reprocher… Après tout, le professeur de prépa les initie par avance à la mécanique de l’utilitarisme. Est-il vraiment de son devoir de leur proposer des exercices d’ironie ?

mercredi 20 décembre 2023

Rutilant

Chez Piot-Sevillano, on trouve pas moins de quatre types de cuves : des cuves en acier émaillé, des œufs en béton, des foudres de chêne, des jarres en grès… Comme toujours avec le champagne, on le boit sans trop y penser mais il est un produit complexe, un vin authentique, élaboré par des vignerons à la fois travailleurs, techniciens, gourmets et esthètes !

mardi 19 décembre 2023

Grappes

Quelques coups de sécateur cette année en fin de vendanges. Récolte unique en termes de volume (et peut-être de qualité) grâce à un été chaud et pluvieux. Cependant des grappes pourrissent et il faut trier. C'est aussi ça, le champagne : mettre les mains non pas dans le cambouis mais dans les coulures, les rafles, les marcs, les raisins qui fermentent...

lundi 16 octobre 2023

Les bougies ça suffit

Je n'irai pas aux réunions d'hommage à Dominique Bernard. Marre des bougies, des bisous, des slogans tartes. Marre des autorités (éducatives, politiques, médiatiques) qui me convoquent pour des cérémonies qui me dictent, bon an mal an, ce que je dois penser. Il y a trois ans j'avais été dégoûté par la manifestation qui s'était organisée devant la mairie du Havre, où j'étais en vacances. Révolté par ces syndicalistes aux looks d'anars qui ne trouvaient rien d'autre à cracher dans leur porte-voie que d'ineptes "pas d'amalgame", j'avais insulté quelques personnes et failli monter sur l'estrade pour prendre la parole ou en venir aux mains. J'aurais dû. Monsieur Bernard mérite mieux que des pleurnicheries, souvent hypocrites. Il mérite qu'on agisse - ça fait trop longtemps que la France est devenue cette pauvre fille impuissante et triste, mal servis par des hommes politiques sans âme, sans cœur, sans courage.

lundi 24 juillet 2023

Eclipse du héros français

En ce moment je m'intéresse beaucoup à la notion de héros, ce personnage que la société française ne paraît plus vouloir assumer. L'œuvre de Serge Lehman, les conférences de Gérald Garutti, des revues comme l'étonnante Fantask (dont l'image est tirée), rééditée récemment, nourrissent mes interrogations sur cette sorte d'éclipse de l'âge héroïque. Les raisons en sont bien sûr en grande partie politiques, comme le souligne Bernard Joubert dans le numéro 1 de cette revue, en évoquant l'étonnante Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence, toujours active et qui a sans doute contribué à étouffer l'émergence de superhéros. La France serait-elle devenue depuis plus d'un demi-siècle une terre de censure et de crainte devant ses propres forces créatives ?