La littérature sous caféine


lundi 27 novembre 2017

Pourquoi faudrait-il que les romanciers français coupent dans le lard ?

Les éditeurs exigent des choses différentes des auteurs français et anglo-saxons. Des premiers, ils attendent de la concision. Des seconds, de l’ampleur, du lyrisme et du volume. Un même paragraphe sera supprimé chez l’un, encouragé chez l’autre. Les éditeurs s’adaptent certes à ce que doit être le goût du public, mais ils confortent aussi le cliché d’une certaine force américaine différente du raffinement français.

mardi 13 septembre 2016

Ces Lumières qui ne s'aimaient pas

A relire certains des grands classiques du 18ème, je suis frappé par ce qui me paraît être, contrairement au cliché d’un siècle tout entier voué à la raison, cette raison tenue plus tard pour dominatrice et asséchante, une véritable obsession pour le paradis perdu d’une Nature sensuelle et libre – par exemple chez Diderot, chez Rousseau.

Ainsi les philosophes des Lumières, loin de louer unanimement la technique et la réflexion, se lançaient-ils a contrario dans une critique perpétuelle de ces dernières, leur reprochant leur arrogance, leur ridicule, leur nocivité. Ce fameux siècle des Lumières ne proposait-il pas, et cela dès le début, la remise en question de son principe même ?

Si bien que le regard négatif que l’on porte souvent sur lui me paraît désamorcé par cette charge critique. Diderot, notamment, avec ses violentes diatribes contre les mœurs occidentales et son fantasme de Tahitiennes aux mœurs, disons, spontanées, ne dépareillerait pas dans un cénacle d’altermondialistes…

dimanche 13 août 2006

Prolifération de la littérature

Il n'est sans doute pas exagéré de se dire que les techniques littéraires – la retranscription d'atmosphères, de faits et de dialogues, de manière plus ou moins fidèle, lyrique ou fantasmatique... - sont à la fois maîtrisées par un nombre grandissant d'écrivains, et mieux maîtrisées par ces derniers. L'histoire de la littérature est l'histoire de cette conquête de la précision et de la force de la peinture (le style ne représentant qu'une sorte d'astuce ou de raccourci pour transmettre une dose accrue d'informations, celles-ci pouvant comprendre le propre ressenti de l'auteur), étant entendu que l'introspection fait partie de ce panorama : de l'infiniment petit du vécu personnel à l'infiniment grand de l'histoire universelle, il ne s'est jamais agi après tout en littérature que de réalisme.

Dans ces conditions, il n'est pas absurde d'imaginer un progrès dans ce rendu du réel, et une sorte de démocratisation du talent. Aujourd'hui, pour peu que la chose littéraire vous intéresse, et pour peu que vous y travailliez avec quelque application, vous pouvez espérer devenir l'auteur de livres très corrects, et grossir les rangs de littérateurs toujours plus nombreux, plus appliqués, plus doués, rendant compte d'un morceau du réel.

La question se pose alors de l'utilité de cette masse phénoménale de comptes-rendus. Et de la sorte de neutralisation de la littérature que provoque cette massification.

N'y a-t-il pas quelque chose de méthodique et de froid dans cette prolifération ?

Quelque chose de rigoureux ?

De scientifique ?

Le monde semble pouvoir être doublé, littéralement, par une sorte de fil continu de conscience, retranscrivant chaque parcelle de réel dans une matière autre (celle des mots, des couleurs, des sons, si l'on tient compte des autres arts). Le redoublement peut-il avoir une autre fonction que celle de la jouissance pure ? De la paresse ? Du jeu ? De la pulsion désintéressée de connaissance ? Nul doute que tout écrivain fantasme beaucoup plus que tout cela...