La littérature sous caféine


mercredi 26 avril 2023

L'autre est un autre

Dans son précédent roman, Solange Bied-Charreton abordait le thème original des entreprises familiales qui périclitent à l'heure où le temps long disparaît. Dans "L'acceptation" (Stock, 2023), elle trouve un angle original pour poursuivre avec talent son auscultation d'une France en déshérence : la narratrice vit un amour romanesque mais douloureux avec un Islandais, et cet échec est à l'image des tensions du multiculturalisme. Ce sont peu ou prou les mêmes dilemmes, les mêmes inquiétudes que vit la narratrice dans les fjords ou dans la gare du nord, soulignant à juste titre que la rencontre avec l'Autre peut être belle, mais qu'elle est rarement facile.

"On peut le dire, en débarquant en France, j'ai fait l'expérience de la différence, relatait-il. (...) Il y a cette incapacité à faire fonctionner les choses, chez les Français, qui me trouble beaucoup. La moindre démarche administrative, le moindre appel téléphonique au plombier-chauffagiste qui doivent obligatoirement être réitérés pour aboutir. (...) Les actions ne s'enchaînent pas, parce qu'il faut toujours que quelqu'un y aille de sa petite histoire personnelle sur le sujet, répète les choses ou bien les théorise, ou écrive des bouquins, grosse manie française... " (p. 119)

mercredi 4 janvier 2023

Toute personne se présentant avec une image...

lundi 28 novembre 2022

Dèche au Flunch



Du temps de ma "dèche à Paris", comme aurait dit Orwell (en l'occurrence, un simple mi-temps dans l'Education nationale), j'avais mes habitudes au Flunch de Beaubourg. J’aimais son atmosphère houellebecquienne. Aujourd'hui, je me suis embourgeoisé – un effet de la maturité, sans doute – et j’ai quitté les Flunch pour les étoilés de Champagne.

N'empêche que je retrouve avec plaisir mon Flunch préféré dans le roman de Fabrice Chatelain, « En faut de l’affiche » (Intervalles, 2022), une sacrée satire des mondes de l’art et du cinéma. Personnages grotesques, situations bien croqués, sentiment d’échec à tous les étages, chute vertigineuse à la « Valse des pantins »... Y aurait-il une nouvelle école de la comédie, française irrévérencieuse et mélancolique, dont le chef de file serait par exemple Patrice Jean ?

« Le Flunch de Beaubourg était presque vide et seul le faible tintement métallique des couverts en inox brisait par intermittence le silence morne qui régnait dans la salle de restaurant. (…) Bien que gênée par le comportement étrange de son compagnon qui attirait l’attention des autres clients médusés, Sophie n’osa pas l’interrompre. A la fin de la tirade, il se mit carrément debout pour scander :

« Et l’aigle impérial, qui, jadis, sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme ! »

Le responsable de permanence du Flunch, qui apparemment n’avait entendu que le dernier vers, se dirigea vers leur table pour signifier à Paillard qu’il ne pouvait pas dire des choses pareilles. Les cuisines de l’établissement étaient irréprochables et faisaient l’objet de contrôles sanitaires réguliers. » (pp 97-99)

samedi 29 octobre 2022

Despentes, semi-maudite

J’ai découvert Virginie Despentes à Tokyo. J’habitais là-bas en 2000, j’y avais croisé un homme qui tractait dans la rue au cri de : « Venez voir le film interdit en France ! Le film interdit en France ! » Il s’agissait de « Baise-moi », et j’ai trouvé sympathique qu’une œuvre s’attire à ce point la censure.

Depuis, j’ai toujours eu plaisir à lire Despentes. Elle a le chic pour mettre les pieds dans le plat. Dans son dernier roman, « Cher connard », elle a l’intelligence de donner la parole non pas seulement à une victime de harcèlement, ce qui finirait par être banal, mais à l’agresseur, présenté comme un homme perdu.

Mais comme il est loin, le temps de la censure… Despentes est devenue la rebelle attitrée du système. Elle s’affiche en couvertures, truste les têtes de gondole, trône dans les jurys, adapte ses textes à l’écran… L’ensemble des forces économiques et culturelles du pays la porte au pinacle, et personne ou presque ne semble relever le paradoxe. Tant mieux pour elle… Ça n’est pas donné à tout le monde de pouvoir à la fois jeter des pavés et recevoir des médailles. En revanche, on a le droit de garder sa préférence pour les auteurs maudits – je veux dire, les maudits véritables.

Signalons au passage sa critique de Céline dans « Cher connard », accusé par un personnage d’être un « galocheur de puissants », ce qui ne manque pas de sel… 😊

« Céline singeait le langage prolétaire en vue d’obtenir un Goncourt, c’est-à-dire qu’il offrait aux salonards le prolo tel qu’ils l’imaginent. (…) J’aime Calaferte et je méprise Céline. Je ne crois pas que tous les artistes aient vocation à être respectables. Mais certains sont repêchés malgré leur mauvaise conduite. Alors que Calaferte a été censuré, c’est tout. On l’a oublié. Ils n’ont pas eu le droit au même traitement. L’un écrivait pour les prolétaires, depuis le prolétariat. L’autre était un galocheur de puissants, frustré dans sa révérence par un contrecoup historique qu’il avait mal évalué. Je méprise Céline. Je devrais en parler, dans un livre. Je manque d’ennemis, en ce moment. » (p 142)

mardi 14 juin 2022

Rencontre à la librairie L'Apostrophe d'Epernay

Après des années de report (covid et cie), rencontre organisée par la librairie L'Apostrophe à Epernay le samedi 18 juin à 16h

mercredi 1 juin 2022

Sexe et handicap

Avec l’affaire Abad, les thèmes du sexe et du handicap font une entrée fracassante à l’Elysée… J’aurais dû leur envoyer La Viveuse pour les y préparer un peu.

mercredi 11 mai 2022

Rencontre avec "La vérité des écrivains" (Instagram)



La vérité des écrivains

Essayiste et écrivain, Aymeric Patricot a publié de nombreux ouvrages sur des thèmes de société porteurs tels que la crise des Gilets Jaunes ou encore le déclassement social. Citons «Autoportrait du professeur en territoire difficile» (2011) aux @editions_gallimard ou encore plus récemment «La révolte des Gaulois» (2020) aux @editionsleoscheer. Dans ses œuvres de fiction, l'écrivain parvient avec brio à mêler le social et le littéraire. Dans son dernier roman «La Viveuse» publié en février dernier aux @editionsleoscheer, le romancier revient avec un sujet encore peu connu voire tabou, celui de l'assistance sexuelle aux personnes en situation de handicap. Ni complaisant, ni misérabiliste, «La Viveuse» est le portrait d'Anaëlle, une jeune femme qui, à travers cette expérience, ne rêve finalement que de s'émanciper de son entourage et d'échapper à son quotidien. Un roman surprenant et à découvrir.

«La Vérité des Écrivains» a rencontré Aymeric Patricot à Paris pour parler des héros littéraires, de province et de l'inspiration romanesque.

(Lire la chronique @laveritedesecrivains sur le roman d'Aymeric Patricot, «La Viveuse», publication du 7 mars 2022)

Dounia T. : Aymeric, quel est l'écrivain qui t'a donné envie d'écrire ?

Mon premier coup de cœur littéraire a été pour Jean-Paul Sartre et notamment ses nouvelles comme «Le mur». Cela remonte à longtemps, je devais être en classe de 5e. Mais c'est amusant plus j'avance en âge, moins j'aime Sartre, à la fois son style et le personnage. Depuis Sartre, j'ai eu mille autres coups de cœur littéraires. Mes héros littéraires ont changé. Ce sont Colette, certains auteurs américains et japonais.

Dounia T. : Quel est le roman que tu aimes relire avec plaisir ?

Chaque année, comme un rituel, je lis un roman de Colette. J'ai une profonde admiration pour son style et pour son mode de vie. C'est quasiment une religion. Je relis Colette pour prendre la mesure de ce qu'est un beau style et pour me remettre sur la voie du bonheur. Par ailleurs, chaque année, je tiens à lire ce que j'appelle un «pavé classique». L'année dernière, par exemple, j'étais accompagné de «Guerre et paix» de Tolstoï. Cette année, ça sera «Les misérables» et puis Dante. Je choisis des classiques que je fréquente pendant un an. Aussi pendant dix ans, j'ai beaucoup lu de la littérature américaine du XXe siècle. Mes «dieux littéraires» étaient Américains, de Kerouac à DeLillo. J'aimais aussi la littérature «punk» liée à des mouvements underground des années 1970, je pense à des auteurs comme Kathy Acker par exemple. Maintenant, je reviens à la lecture des classiques européens. Je lis aussi les auteurs russes et japonais (Yukio Mishima, Yasunari Kawabata ou encore Ryū Murakami).

Dounia T. : Comment as-tu choisi le thème de ton nouveau roman «La Viveuse» ?

Curieusement, j'avais ce thème en tête depuis dix ans avant même que je ne sache que cette activité existait. J'y pensais avant même que ce soit médiatisé. Ce thème-là, je l'avais en moi. J'ai toujours été intéressé par le thème de la marginalité et attiré par les vies «cabossées» ou en marge. J'avais cru cerner des psychologies de femmes qui pouvaient faire ce genre de choses. Je me rappelle avoir parler à des amis leur disant que je voulais écrire sur ce thème il y a dix ans. Certains comprenaient, d'autres pas.

J'ai décidé alors d'écrire sur ce thème quand j'ai réalisé que c'était un thème d'avenir qui était peu ou pas traité par la littérature ou le cinéma en France. Alors qu'il existe des films américains, espagnols et italiens à ce sujet. Certains pays ont même légalisé l'activité. En France, il y a encore un grand blocage artistique et sociétal. Je me suis toujours intéressé à la psychologie de jeunes femmes issues de milieux assez populaires, un peu perdues mais qui ont du caractère et sont libres. Je suis à l'aise avec ce type de personnages que j'ai fréquenté dans ma vie et que j'ai l'impression de connaître et que j'apprécie. Le mot de « viveuse » s'est imposé à moi, c'est un néologisme que la narratrice emploie, c'est la femme qui donne la vie. C'est le sens que j'ai voulu donner à ce mot. En réalité, c'est un vieux mot qui existe et qui voulait dire la femme de mauvaise vie.

Dounia T. : Une ville, un lieu qui t'inspirent ? Et où tu aimes écrire ?

J'ai été Parisien pendant quinze années et j'ai passé beaucoup de temps au café. C'est un lieu idéal pour écrire. Depuis que je vis en Champagne, il y a un peu moins de cafés donc je n'y vais plus tant que ça (rires). Une ville ? Ce serait Tokyo où j'ai vécu. J'ai immédiatement eu le coup de foudre pour cette ville, elle est mon fantasme urbain.

Dounia T. : Quels sont tes pojets ?

J'ai une série audio de petites histoires qui se déroulent à Paris intitulée «Les contes noirs du Paris moderne». J'ai aussi plusieurs projets d'écriture liés à des thèmes divers comme le choix de quitter Paris pour vivre en province.

Crédits photos : Aymeric Patricot par Dounia T., Paris 4e. Son roman : «La Viveuse», Paris, Éd. Léo Scheer, 2022. (Photo Couverture : Julia Vogelweith)

lundi 9 mai 2022

Signature à la libraire Guerlin de Reims samedi 14 mai