La littérature sous caféine


mercredi 30 novembre 2016

Les livres sur la drogue sont-ils bons ?

"Nous allons aujourd'hui étudier des extraits d'un livre qui parle de drogue, de sexe et de désespoir. Et c'est un chef-d'oeuvre !"

Un étudiant, à la fois très sincère et très étonné:

"Mais, Monsieur, comment peut-on parler de chef-d'oeuvre puisqu'il s'agit de drogue ?"

mardi 18 juin 2013

Vomir devant examinateur / Le bruit de la neige qui tombe

1) En tant qu'examinateur (oraux de bac, de bts...), j'ai connu l'élève vulgaire, l'élève sale, l'élève qui pleure, l'élève qui claque la porte... Mais je n'avais encore jamais rencontré l'élève qui fait semblant de vomir au moment de s'installer devant le jury.

2) Dans les galeries de peinture du château de Chantilly, une mère de bonne famille fait réciter à son fils la liste des rois et empereurs de France. Ce dernier clôt la liste en énonçant fièrement: "Mais mon préféré, ça reste bien Napoléon."

3) Dans une copie de BTS Communication, un élève imagine un spot radio. Il précise qu'on doit entendre, en fond sonore, "le bruit de la neige qui tombe."

jeudi 23 mai 2013

Les examens sont propices aux néologismes

Au cours d'examens oraux pour le BTS Communication :

1) Un élève nous explique qu'un bon commercial ne doit pas mentir car il briserait la confiance avec le prospect:
"S'il ment, ce serait se tirer une balle dans la tête !
- Dans la tête ?... Dans le pied, ça devrait suffire... Dans la main, à la rigueur !"

2) - Comment définiriez-vous un bon commercial ?
- Ce doit être quelqu'un de chaland.
- De chaland ?
- Bah oui, chaleureux, quoi.
Je me demande si l'élève ne confond pas avec l'expression "attirer le chaland". Je comprends peu à peu, cependant, que "chaland" doit correspondre, dans son esprit, à l'inverse de "nonchalant" - l'inverse de "nonchalant" n'ayant d'ailleurs rien à voir avec le fait d'être chaleureux ou pas, me semble-t-il.

mardi 7 mai 2013

Signé: L'imposteur

Entendu à la Foire aux Livres de Saint-Louis (Alsace) :

1) "J'adore venir au salon, il y a une bonne ambiance, mais, franchement, ça sert à quoi d'acheter des livres ?"

2) A ma gauche, des livres pour enfant mettant en scène des poules... L'auteur ne se présente pas, les enfants sont souvent très déçus. Je propose aux parents de signer à la place de l'auteur, et même de dessiner une poule sur la page de garde. Les parents, amusés, acceptent illico. Les enfants acquiescent : ils se doutent qu'il y a anguille sous roche, mais ils ont du mal à identifier le problème. J'écris une jolie phrase, je dessine une poule sans charme et je signe: L'imposteur.

3) Toujours sur ma gauche, une enfant observe la tétine laissée là par un client précédent. "C'est à qui ?" me demande-telle. A quoi je réponds: "A moi!" L'enfant me regarde les yeux écarquillés. La maman, n'appréciant pas que je paraisse me moquer de son rejeton, claque la langue et s'éloigne.

mardi 23 avril 2013

Les BTS en grande forme !

1) J'inscris au tableau le mot du jour, "Pusillanime : qui hésite à agir et ne reste pas ferme sur ses décisions." Je demande aux élèves s'ils connaîtraient, par hasard, une personnalité leur semblant correspondre à la définition. La classe me répond en choeur : "François Hollande !"

2) Une simulation d'entretien d'embauche: "Pourquoi avez-vous quitté la voie générale pour passer en voie professionnelle ? - Oh, je voulais me consacrer aux jeux vidéos..."

mercredi 10 avril 2013

De l'avantage de ne pas être connu

Entendu au salon Lire à Limoges 2013 :

1) Un visiteur s'adressant à moi: "Ce qui est sympa avec les auteurs qui ne sont pas connus, c'est qu'on peut discuter avec eux."

2) Voyant les titres des deux romans disposés devant moi, "Suicide Girls" et "L'homme qui frappait les femmes", une femme s'exclame: "Oh mon Dieu ! J'ai eu la chance d'être épargnée par toutes ces choses jusqu'à maintenant, alors je ne vais me faire du mal à lire des livres qui en parlent."

3) Quelques minutes plus tard, la réaction symétrique de la part d'un monsieur discret: "J'ai aperçu le titre de votre livre, "Suicide Girls", et je viens juste vous dire que je ne l'achèterai pas parce que mon fils s'est suicidé il y a un mois et que c'est encore trop douloureux."

mardi 12 mars 2013

"Vous êtes fatigué, en ce moment, Monsieur ?"

1) Le père d'une amie s'adresse au libraire de son quartier pour commander deux livres, "Hitler, mon voisin : souvenirs d'un enfant juif" et "L'homme qui frappait les femmes". Le libraire, interloqué, lui répond: "Vous êtes fatigué, en ce moment, Monsieur ?"

2) Deux vieilles dames à la sortie du film Amour de Haneke: "C'est un bon film, hein ! Mais dis-donc, c'est pire que L'Exorciste..."

vendredi 14 décembre 2012

Se faire casser la gueule par des provinciaux



Dans le bistrot le plus sympa de Belleville, le Folies, je noircis quelques pages qui m'amusent assez. Sur ma gauche, il y a deux types d'une trentaine d'années que j'avais à peine remarqués - sinon pour leur style : le premier, notamment, avec son catogan, sa chemise noire boutonnée jusqu'au col, ses grosses chaussures montantes, a l'air sympathique mais un peu perdu - on dirait un gothique qui ne s'assume pas.

Un moment, il s'adresse à moi alors que j'ai le nez collé sur ma feuille.
- Je te fais rire ?
- Pardon ?
- Je te fais rire, c'est ça ? Tu te fous bien de ma gueule ?
Interloqué, je regarde l'autre et lui demande s'il s'agit d'une plaisanterie. Mais ce dernier me fusille du regard, l'air mauvais. Mal à l'aise, je fais mine de ne pas comprendre. Ils reprennent de plus belle.
- Tu nous observes, c'est ça ? Tu écris des trucs sur nous ? Et on te fait bien marrer ?
- Pas du tout. Je n'écrivais pas sur vous. Lisez, si vous voulez.
- Tes pattes de mouche, là ? Illisible... J'ai bien vu ton sourire en coin, en permanence depuis une demi-heure. On te dérange, c'est ça ? Tu veux qu'on te foute la paix ?
J'ai du mal à comprendre où ils veulent en venir, je bafouille quelques phrases pour m'expliquer mais je comprends que ça ne sert à rien. Je finis par lever les yeux au ciel et leur faire un petit geste qui signifie: "C'est bon, on arrête là, lâchez-moi." Ce qui me trouble chez le type au catogan est son grand calme, son sourire, le fait qu'il ait pourtant bu quatre ou cinq bières et qu'il a l'air de se maîtriser. Pense-t-il sincèrement que je me moque de lui ?
L'autre surenchérit:
- Eh, t'es agressif, là! Avec ton regard, là! C'est pas comme ça que t'auras le Nobel, il faut que tu améliores tes relations publiques!
J'ai le regard plombé, à la fois par la gêne et l'agacement. Le premier me dit très calmement:
- Tu veux qu'on règle ça dehors ? Ici ?
Je suis vraiment désarçonné, il n'a pas l'air d'être un dur et pourtant je m'attends à ce qu'il casse son verre et qu'il me le balance au visage. Il a des tatouages aux avant-bras, sur la nuque, je me demande si tout ça ne va pas très mal finir - j'ai un rendez-vous avec une nourrice dans une demi-heure, je ne peux pas me permettre d'arriver avec un filet de sang au front !
Au bout de quelques minutes, je me lève et vais payer mon café. Le temps de recevoir la monnaie, le type au catogan se lève et pose son verre bruyamment sur le comptoir. Il fait quelques centimètres de plus que moi. Les deux ricanent, ironisent sur mon prénom - "ça doit être Loïc, hin hin !" - et le prix de Flore - je dois vraiment, à leurs yeux, représenter le bobo dans toute son horreur. Je meurs d'envie de les insulter mais je ne ferais pas le poids dans une baston et je sors en leur assénant une parole méprisante. J'en ai le coeur qui bat pendant un quart d'heure.