La littérature sous caféine


lundi 8 janvier 2024

Milady, symétrique de Monte Cristo

A ma relecture des « Trois Mousquetaires », j’ai été déçu par la description du siège de La Rochelle. En revanche, j’ai été sidéré par le personnage de Milady, qui me paraît la figure inversée de Monte Cristo : elle n’est plus le génie du bien mais le génie du mal, consumée par une envie d’en découdre qui lui insuffle des moyens extraordinaires. Comme le Comte, elle est emprisonnée. Comme le Comte, elle s’en sort par des moyens sophistiqués qui confèrent aux chapitres en question, clou de la deuxième moitié du roman, une intensité particulière.

C’est dire comme j’attends avec impatience la sortie du deuxième volet au cinéma. Rendra-t-il vraiment justice à ces chapitres ? Sans parler de la mort de Milady elle-même… Moment bref mais marquant la clôture d’une belle montée de tension.

Quoi qu’il en soit, je suis heureux que vive le leg d’Alexandre Dumas. Je viens d’ailleurs de visiter sa maison d’enfance à deux pas de la Cité internationale de la langue française. Pas de trace de Milady dans cette modeste demeure, mais de beaux cartons sur les trois Alexandre de la famille, figures aussi romanesques que les personnages issus de leur infernale imagination

Villers-Cotterêts

Il paraît que l’Académie française a boudé l’inauguration de la très belle Cité internationale de la langue française, au prétexte qu’elle n’aurait pas été consultée… Les uns critiquent le projet pour son conservatisme, les autres pour son habillage politiquement correct – les cartons regorgent de « métissage », « langue-monde » et autres hybridations. Il est vrai que la question de la langue est plus politique qu’on ne l’imagine. Comment la dater ? Comment la faire évoluer sans la faire disparaître ? A l’arrivée, je suis heureux de découvrir une exposition de caractère et dans un sublime écrin d’architecture – je me représente mieux le Valois, cette région mythique pour la littérature, patrie d’Alexandre Dumas, lieu de rêve pour le tendre Nerval…

Expérience avortée...

Je m’étais dit qu’il pouvait être intéressant de faire lire à mes étudiants quelques pages du roman de Nicolas Mathieu, « Connemara ». Comment réagiraient-ils à cette satire de l’audit ? Ils se préparent à entrer en entreprise mais n’en connaissent rien. Je les avais mis en garde : le chapitre leur donnerait une vision concrète mais pourrait les accabler.

Leurs réactions n’ont pas été probantes. Ils ont trouvé la peinture un peu triste, et n’ont pas pris la peine de lire ce que nous n’avions pas eu le temps de découvrir en classe. L’ironie, c’est qu’ils se sont ainsi comportés comme le romancier le reproche aux cadres sup, c’est-à-dire en se faisant une religion de l’efficacité. A quelques mois des concours, pourquoi perdre son temps à lire un roman ? Il y aurait cependant mauvaise grâce à le leur reprocher… Après tout, le professeur de prépa les initie par avance à la mécanique de l’utilitarisme. Est-il vraiment de son devoir de leur proposer des exercices d’ironie ?