La littérature sous caféine


Les angoisses du célibataire, celles de l'homme marié



(Photo : Javier Marias)

Je lis toujours avec une certaine avidité les romans qui mettent en scène les relations de couple... Indépendammant de la qualité même du roman, d'ailleurs. Il suffit que l'intrigue soit fondée sur un doute du narrateur, un questionnement inquiet sur sa vie sentimentale, pour que je me sente littéralement happé.

Récemment j'ai ainsi dévoré deux livres qui pourraient représenter deux symétriques en la matière : le très bon recueil de Serge Joncour, Combien de fois je t'aime (Flammarion, 2008), série de textes sur les attachements plus ou moins fugaces du narrateur, ses angoisses à l'idée que le temps passe et que les sentiments fluctuent, s'effacent, échouent, reviennent, fassent souffrir, exaltent ou déçoivent... Ce sont les mille tracas de la vie de célibataire, passés par le filtre d'une vision mélancolique et juste. Le recueil évoque les novellistes américains comme Carver par son immédiate simplicité, sa manière de coller au tempo des sentiments les palpables, les plus acérés.

« Sans chercher à faire moins que son âge, sans le refuser, il y a un jour où on sent bien que la jeunesse ne nous concerne plus, qu'elle est un territoire autre, un monde livré à des êtres faciles, des détachés aux moeurs étranges et au langage divergeant, un jour on réalise que la jeunesse est un exil dont on est revenu, on s'en sait pour tout dire exclu. Entre toi et moi je croyais qu'il n'y avait qu'une génération d'écart, alors qu'en fait c'est tout un monde qui nous sépare, une civilisation. » (Extrait de Combien de fois je t'aime, p123)

Dans Un coeur si Blanc (Folio, 2008), le romancier espagnol Javier Marias (décidément, y aurait-il une « nouvelle vague » espagnole ? J'entends de plus en plus parler d'excellents romanciers hispaniques, et j'en lis de plus en plus...) met en scène un narrateur analysant longuement certains épisodes de sa vie depuis le jour précis de son mariage, et le pressentiment croissant que tout cela se finira par un désastre. Beaucoup de longueurs et d'effets de narration dans ce texte, mais d'amples et belles pages aussi, surtout celles font la part belle à la noirceur et à la désillusion (comme c'est bon, en littérature, tout ce qui sent le désastre...)

« « En réalité, je me demande si quelqu'un m'a jamais aimée sans que je l'y oblige, même mes enfants, enfin, ce sont toujours les enfants que l'on contraint le plus. Cela s'est toujours passé ainsi pour moi, mais je me demande s'il n'en va pas de même pour tout le monde. Voyez-vous, je ne crois pas à toutes ces histoires que l'on raconte à la télévision, des personnes qui se rencontrent et s'aiment sans aucune difficulté, libres et disponibles tous les deux, aucune n'a d'hésitation ni de culpabilité préalables. Je ne crois pas que cela arrive jamais, même chez les jeunes. Toute relation personnelle est toujours une accumulation de problèmes, de résistances, mais aussi d'offenses et d'humiliations. Tout le monde oblige tout le monde, non pas tant à faire ce qu'il ne veut pas que ce qu'il ignore vouloir, car pratiquement personne ne sait ce qu'il ne veut pas, et moins encore ce qu'il veut, et cela, il n'y a aucun moyen de le savoir." » (Extrait de Un coeur si blanc, p98)

COMMENTAIRES

1. Le lundi 23 juin 2008 à 11:48, par marine

vision tres juste de serge joncour. mais il faut accepter le temps qui passe non comme une fatalite mais comme la promesse de perpetuelles decouvertes!!!
pour une 1ere je fais fort!!!

2. Le lundi 23 juin 2008 à 19:21, par Olympe

Belle analyse de la jeunesse...
Joncour parle d'un amour ou de plusieurs amours, dans son livre ?

3. Le lundi 23 juin 2008 à 19:31, par Olympe

...et finalement, en relisant ton titre, je me demande s'il y a une issue à la relation de couple: le célibataire angoisse, l'homme marié s'ennuie... Le célibataire aime et perd, l'homme marié oblige et s'oblige...
Les deux souffrent, à leur manière ... et y puisent leur inspiration !
La femme, muse ... encore et toujours ! :)

4. Le lundi 23 juin 2008 à 20:58, par pat

- ce serait chouette effectivement si, les années passant, les possibilités de découvertes et de vies aillent augmentant !
- le bouquin de joncour, c'est une série de nouvelles (à forte portée autobiographique, sans aucun doute) sur les rapports hommes-femmes et les histoires d'amour le long d'une vie
Quant à l'homme marié, s'ennuie-t-il vraiment ? si sa seule angoisse était jamais l'ennui, ce serait pas mal finalement !

5. Le lundi 23 juin 2008 à 21:00, par pitbull

vue sa gueule, il a dû connaître l'angoisse, lui, l'auteur, javier marias ! c'est la gueule d'un type dont on se dit qu'il fait plus que son age ! (meme si on ne connait pas son âge, justement)

6. Le mardi 24 juin 2008 à 14:53, par vince

en fait quoi qu'on fasse, quoi qu'on soit (joli, tiens !!!), quoi qu'on vive, où qu'on soit, c'est un peu la souffrance, non ?... "il n'y a pas d'amour heureux", je ne sais plus qui a dit ça, en tout cas certains jours j'ai bien l'impression que c'est vrai...et puis tout ca c'est de la tautologie (joli bis)

7. Le dimanche 29 juin 2008 à 05:53, par emmanuelle

sur les relations du couple et le désastre.... il ne FAUT pas rater l'extraordinaire "Destin de M. Crump" de Ludwig Lewisohn.
C'est atroce, mais vraiment inoubliable.

8. Le dimanche 29 juin 2008 à 21:43, par pat

alors ca, quel titre ! et quel nom d'auteur ! rien que pour la couv', je vais l'attraper !

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