« « Ah bon, un travail temporaire…, dit le professeur en agitant ses oreilles d’une saine rougeur. Vous êtes inscrit ici ?
- Oui, en lettres.
- En allemand ?
- Non, en littérature française.
- Ah, soupira-t-il d’un air ravi. Vous préparez votre thèse sur quoi ? »
J’hésitai à l’avouer.
« Sur Racine, Jean Racine. », me résolus-je à dire.
Tout le visage du professeur se couvrit de rides, tandis qu’il riait négligemment comme un enfant.
« Comment ça ! Un étudiant travaillant sur Racine qui transporte des cadavres !
» »

Ce passage est extrait du Faste des Morts, nouvelle présente dans le recueil du même nom, regroupant trois textes de jeunesse du seul prix Nobel japonais encore vivant, Oe Kenzaburo.

Publiées en 57, ces quelques lignes témoignent de la grande importance que revêtait la culture française dans la formation de tout écrivain nippon. D’ailleurs le recueil n’est qu’une longe adaptation, parfois maladroite, parfois majestueuse, de problématiques sartriennes (la mauvaise foi, la conscience, les objets…) au contexte politique japonais de l’époque.

Cinquante ans plus tard, il semble que les « flux d’influence » se soient inversés… Je pense que les écrivains français cherchant en Asie de quoi revigorer leur prose sont désormais beaucoup plus nombreux que les écrivains japonais, chinois ou autres lisant véritablement des Français.

Personnellement, ça me rend à la fois triste, et assez curieux de voir ce que pourrait donner une influence asiatique dans notre littérature. En B.D., le manga bouscule déjà toutes nos habitudes…

(Au passage, je me rappelle d'un article de Télérama suggérant qu'Oe ressemblait à Droopy...)