Le thème était pointu, je n’attendais que trois personnes et nous fûmes neuf… Je n’ai donc pas été capable de tenir le chiffre de six – à croire que la mise en abyme affole les compteurs. Il s’agissait de célébrer ce bar où j’ai pris mes habitudes depuis quinze ans. Ça tombe bien, Brigitte Le Guern nous a annoncé son prochain départ. Un cycle s’achève ! Et se fond dans un autre – je pense à une future soirée géométrie. En attendant nous n’étions que deux à avoir lu le roman de Roubaud, et j’ai découvert à cette occasion mon curieux penchant à l’extrapolation : Pierre-Yves m’avait annoncé qu’un de ses amis se trouvait dans le volume 2, j’en ai conclu qu’il avait une connaissance intime du texte et nous parlerait du quartier. De même, Marien dont la mémoire est légendaire a cru se rappeler de moi dans un débat auquel je n’ai pas participé. J’ai remis avec fierté les médailles conçues par le surréaliste JeanFi et les conversations se sont enfuies vers la politique (différences droite-gauche, transhumanisme, féminisme) et la littérature (Sollers, Michaud). Heureusement la cloche a souvent battu la chamade, notamment dix minutes avant la fin : dans le feu d’artifice final Pierre-Yves a lu des passages lestes qui m’avaient échappé (je me suis promis de relire ce roman d’abord détesté) et j’ai conclu par le mystérieux poème H de Rimbaud, qui s’achève par le célèbre « Trouvez Hortense ! » Cette Hortense, nous l’avons à peine approchée mais elle s’est inscrite en nous.