La littérature sous caféine


mercredi 15 mai 2024

Orgie de maisons

A New-Orleans les gens viennent pour des orgies de musique mais on peut se gaver de façades. Maisons creoles, cottages de style ante bellum, manoirs Greek Revival, bâtisses d'inspiration espagnole, mobile homes colorés... Il y en a pour tous les goûts, toutes les atmosphères... Sans parler des bicoques délabrées, mais celles-ci on les trouve partout en Amérique.

jeudi 9 mai 2024

Bohème

Tennessee Williams considérait qu'il n'y avait que trois villes aux USA, trois villes intéressantes : San Francisco, New-York et New-Orleans. Je suppose qu'il le disait pour le mélange des populations, pour la richesse culturelle, mais aussi pour la liberté. Car il régnait dans la société créole, de langue française et catholique, une liberté de moeurs qui n'existait pas dans l'Amérique puritaine. En dépit des conflits, Blancs, métisses et gens de couleur libres se fréquentaient dans la Nouvelle-Orléans française des 18e et 19e siècles. Le parfum bohème vient de là. Le Faubourg Marigny (photo) était un quartier de maisons construites par des esclaves affranchis. Aujourd'hui, on le qualifierait en France de bobo.

mardi 7 mai 2024

Sazerac

A la Nouvelle-Orléans je mange des petits déjeuners créoles, des saucisses d'alligator, du boudin, des oeufs brouillés, des scones, des beignets, de la purée de maïs, des crevettes épicées, des Po-boys, des gumbos, des jumbalayas, des cacahuètes au chocolat, des bretzels à la crème, du poulet frit, des crevettes frites, des écrevisses à l'étouffée, de l'andouille, du bacon, des burgers cajuns, des pralines. Je bois des litres de café, d'IPA, de Sazerac, de Daiquiri, respirant les vapeurs de marijuana dans les environs de Bourbon Street. Heureusement, les transports publics sont rares et je marche beaucoup.

samedi 4 mai 2024

Défendre le français louisianais

De visite à l'Alliance française de la Nouvelle-Orléans pour une conversation créole, j'ai le plaisir d'échanger avec Lawson Ota, ardent défenseur des "créoles et français de Louisiane". La langue cajun a disparu de la Nouvelle-Orléans. La vie citadine accélère l'américanisation ; Créole et français manquent de structures, comme il en existe par exemple en France pour le breton. Lawson déplore par ailleurs la tendance à réduire le français de Louisiane au cajun. En effet, d'autres que les Acadiens parlaient français. Les "Américains" ont plus ou moins consciemment divisé le monde créole entre Blancs et non Blancs; dans ce qui est devenu le "French quarter", toutes les populations se mêlaient pourtant. Cette façon d'opposer et de séparer les populations par zones fragilise le monde créole. L'un des nombreux paradoxes d'un pays qui se veut défenseur des minorités...

lundi 20 novembre 2023

20 choses vues à Ibiza

Au club Ushuaïa, David Guetta est attendu comme le messie - je me demande s'il n'est pas le Français le plus connu au monde, même si peu doivent savoir qu'il est français / De véritables soirées privées s'organisent sur les terrasses, autour des piscines : des trentenaires bodybuildés, tatoués, torses nus, exhibant des bouteilles de Moët Luminous, invitent de jeunes femmes à les rejoindre ; ils ont pourtant déjà à leurs bras de belles femmes bronzées aux jambes interminables / La terrasse suivante, ce sont des artistes espagnols gays qui invitent des couples pour des photos de groupes ; l'un d'entre eux qui s'était tordu sur le sol en pauses lascives fait un malaise ; les vigiles l'évacuent en chaise roulante / En soirée, Espagnoles et Anglaises portent souvent d'invraisemblables robes filets sur des strings et des poitrines presque dénudées, et cela sans complexe / Les Français sont moins musclés et tatoués que la moyenne, les Françaises plus discrètes et moins vulgaires / Les jeunes Russes portent des barbes improbables et des polos cheap, mais ils sont grands et forts / Les seuls touristes à arborer des chapeaux de cow-boys sont des Allemands / On trouve en centre-ville des distributeur de sex toys et de cbd / A l’Ushuaïa le champagne est du Moët, au Pacha du Perrier-Jouët / Au Pacha, la tech house est démocratique ; la foule se presse, compacte, en piétinant sur place et en fixant le dj rayonnant des stroboscopes / Comme partout dans le monde, la proportion de Français augmente significativement dans les musées, les cathédrales, les vieilles villes... / Au milieu des chapelets et des images pieuses, on trouve des amulettes puniques / Quand je porte un chapelet en collier, le pauvre Christ se perd dans mes poils / L'accueil est généralement sympathique / Les cartes de tapas proposent des plats italiens et des clins d'œil à la cuisine française, notamment le camembert / Aux Deux Alpes il y avait beaucoup de gros chiens ; ici, beaucoup de petits / Les bougainvilliers, les acacias, les hibiscus ponctuent agréablement la ville / Le tourisme est international mais essentiellement occidental / Je ne sais quoi penser des combinaisons d'été pour hommes, cèderai-je à la mode l'année prochaine ? / La ville se partage en trois zones : la vieille ville, superbe ; les complexes touristiques, massifs et parfois réussis ; les quartiers modernes proprement espagnols, assez médiocres mais bien entretenus / Sur les plages on voit beaucoup de strings, de seins nus (cela se pratique-t-il encore en France ?), de corps tatoués et musclés / Chez les hommes, le mini slip est à la mode / A Turin je me croyais en Autriche, à Ibiza j’imagine à la fois en Grèce et à Miami / Sur le chemin du Pacha des Néerlandaises sniffent du poppers / Cela faisait longtemps que je n'avais pas pris une cuite en pleine soleil, à midi, sur un bateau plein de grosses Anglaises en bikini.

dimanche 29 octobre 2023

20 choses vues aux Deux Alpes

Puisque les gens viennent ici faire du vélo de descente, la culture se fait discrète : deux marchands de journaux faiblement achalandés, pas de concert ou de musée sinon sur la flore ou l’artisanat / Curieux contraste entre une population de grands sportifs et une nourriture grasse – raclettes, fondues, charcuterie… / Beaucoup de jeunes femmes ont des boucles dans le nez… Clin d’œil à la gent bovine ? / La station s’étend, grignote les flancs des proches collines, part à l’assaut des sommets. Cet appel vers l’or blanc réveille ma conscience écologique. / De même, la ruée vers les lacs de montagne effarouche les marmottes. Il faut sans doute venir très tôt pour les apercevoir / De temps en temps, malgré tout, on entend leur unique note, au timbre mêlé de rapace et de canard, criée d’un bord à l’autre des vallées / Le vélo de descente, c’est comme du Mario Kart mais on a vraiment peur dans les virages et on a vraiment mal quand on chute / L’intérêt, c’est qu’on aperçoit des marmottes du haut des télésièges / La population de la station mêle familles de sportifs, groupes d’adolescents, barmen anglais, Italiens en goguette, familles de Juifs orthodoxes – je ne m’attendais pas à retrouver, à 2000 mètres d’altitude, un échantillon si clairement dessiné de notre société multiculturelle / Frison-Roche, dont les romans hantent les vieilles bibliothèques, est en bonne place chez le buraliste – je le pensais disparu / Le chardon bleu se fait surnommer « la reine des Alpes » / Le nombre de chiens est anormalement élevé / On boit surtout de la bière aromatisée – beurk – et du Génépi – ça passe bien / Les villages pittoresques ont de beaux murs de lauzes mais, sur les toits, le zinc remplace l’ardoise / Autour de Besse, les versants sont parsemés de chapelles et d’oratoires témoignant de la présence assez récente d’un christianisme naïf, sans doute perçu comme nécessaire en ces terres isolées / Peu d’oiseaux, sinon les rapaces haut dans le ciel et quelques rouge-queue peu farouches / Sur les fleurs cohabitent étrangement bourdons et papillons / Les pentes escarpées, peu susceptibles d’être aménagées par l’homme, sont striées d’alignements de sapins, en sillons parallèles, on dirait la montagne aménagée par Lego / Comme toujours quand je voyage en France, je pars avec un nombre important de magazines dont j’espère me délester mais je reviens encore plus chargé.

lundi 25 septembre 2023

16 choses vues à Turin

Malgré la chaleur, on croise beaucoup d'hommes en pantalons et chemises sous la ceinture / Chez les hommes distingués, la mode est aux mocassins et aux chaussures bateau, parfois avec des chaussettes montantes multicolores / La polémique sur la climatisation dans les magasins n'a pas encore éclaté de ce côté des Alpes : toutes les boutiques laissent gracieusement leurs portes ouvertes / Le point fort des villes italiennes ce sont vraiment les cafés, chics, accueillants, délicieux... On ne regrette pas les steaks frites parisiens servis sans grâce dans des brasseries vieillies / On dit Turin dangereuse, or je découvre un centre historique impeccable, sans déchets, sans façade pelée, joli jusque dans ses poubelles, calme et distingué ; j'imagine que ça se gâte en périphérie mais les apparences sont sauves pour le touriste / Ce vaste centre ressemble fort à l'Autriche, à moins que ce ne soit l'inverse / Beaucoup de restaurants se sont aménagé des terrasses sur les trottoirs, sans doute depuis le Covid, mais ce sont des terrasses élégantes de tables avec nappes, bordées de barrières peintes en noir / Le Spritz reste l'apéritif à la mode, il fleurit sur les terrasses en fin d'après-midi ; le Negroni se boit aussi beaucoup / La présence française est plus discrète qu’en Allemagne ou dans les pays de l’est, sans doute parce que l’Italie a sa propre industrie du luxe ; on trouve malgré tout du champagne dans les vitrines, des croissants dans les cafés, des Renault dans la rue, quelques films français à l’affiche, le mot bistrot sur quelques devantures, un petit nombre de bd franco-belges coincées entre les comics et les mangas / Leurs cafés allongés sont nos cafés serrés ; je peine à imaginer un Turinois boire un café de 50 cl chez Starbucks. D’ailleurs, on ne trouve pas de Starbucks / Très en vogue sur les terrasses, l’aperitivo est autrement plus généreux et savoureux que nos planches charcuterie-fromage, et servi avec un cocktail / On croise souvent des jeunes femmes radieuses, une couronne de lauriers et de fleurs sur la tête – elles fêtent l’obtention d’un diplôme / Je n’ai pas vu de lunettes tapageuses, comme d’habitude en Italie. La mode se perd-elle ? Ou bien les Turinois résistent-ils ? / Les cafés sont servis avec de petits verres d’eau pétillante / Les pays limitrophes s’inspirent tellement du baroque italien qu’on a le sentiment, quand on entre dans une chapelle à Turin, de se trouver au cœur de la matrice / Quand on passe en Suisse, la qualité de la nourriture s’effondre mais le volume de café augmente.

mardi 16 novembre 2021

30 choses vues à Prague (5/5)

De même que les rues sont propres, je remarque l’absence de portique de sécurité dans le métro, bon signe extérieur de civisme (ou de situation sociale relativement apaisée), comme au Japon / Je ne suis pas connaisseur en la matière, mais le pays semble avoir développé un art du cristal et de la porcelaine de grande valeur – j’y penserai pour des achats si je reviens là, et avec de l’argent à perdre / Vaclav Havel est très présent dans l’espace public, et jusque dans les restaurants où son portrait ponctue souvent la décoration – je souffre de n’avoir jamais connu en France de figure politique qui semble emporter une telle adhésion / Le Musée national trône sur l’un des sommets de la ville, impérial, et propose une série d’expositions célébrant les exploits politiques, culturels et sportifs du pays / La Tchéquie me semble avoir poussé très loin le raffinement culturel, davantage que l’Allemagne si l’on s’en tient à quelques signes immédiatement visibles, et je comprends le surnom de « Rome du Nord » que s’attire la capitale / Comme chaque fois que j’y suis confronté, le déferlement de beauté m’émeut, m’emporte et menace de me terrasser.