La littérature sous caféine


mercredi 13 septembre 2023

Algos

Écrire et travailler sur la sexualité, c'est à double tranchant. Vous attirez les curieux, les égrillards, les amusés, mais vous en agacez beaucoup d'autres. Sans parler du fait que les algorithmes vous marginalisent et cela, quel que soit le discours que vous tenez. Je pense l'avoir en partie expérimenté avec La Viveuse. Alors, je suis plein de sollicitude pour ceux qui s'y frottent, comme dans Platonix, mis en scène par Hélène Boutin, la comédie d'une réalisatrice tournant un porno conceptuel avec des acteurs qui ne la comprennent pas. Rythmé, culotté, sans provocation inutile... L'écueil énorme du ridicule est évité !

mardi 12 septembre 2023

Copi

Ça crie, ça rouspète, ça se bouscule, ça gigote, ça s'agite, ça roucoule, ça danse, ça rit, ça pleure, ça grimace, ça chie, ça baise, ça tue, c'est du Copi.

Et, accessoirement, le meilleur titre du Festival d'Avignon, "La sauterie circulaire".

lundi 11 septembre 2023

Oulipo, rire mécanique

Longtemps, je n'ai pas aimé les jeux littéraires. J'estimais qu'avec la littérature on n'était pas là pour s'amuser. Décrire, ressentir, exprimer... Mais j'avance en âge et je comprends mieux l'intérêt de faire l'enfant. Retrouver la fraîcheur et surtout prendre à revers la vie pour moins la subir.

C'est dire comme j'ai aimé, au Festival d'Avignon, "C'est un métier d'homme", en partie écrit par Hervé Le Tellier et placé sous le patronage de l'Oulipo. Deux acteurs survoltés (Denis Fouquereau, David Migeot) se moquent des postures et des métiers en jouant de leurs ressemblances, de leurs procédés, de leurs inévitables déchéances. Le rire est du mécanique plaqué sur du vivant, disait l'autre : ici, le rire est plutôt la révélation du mécanique.

mercredi 6 septembre 2023

Lavant au off

Quand j'habitais à Belleville, je croisais souvent Denis Lavant. J'étais intrigué par ce petit homme au visage chiffonné, toujours pressé, habillé comme un vagabond. Je me souvenais de certains de ses rôles au cinéma. M'intéressant davantage à lui, j'ai découvert la carrière merveilleuse d'un acteur intense et exigeant. Je le retrouve avec plaisir au Festival d'Avignon en compagnie de Samuel Mercer dans ce "Je ne suis pas de moi" tiré des "Carnets en marge" de Dubillard. Prenez Beckett, ajoutez du Sartre, saupoudrez de burlesque et de sexualité horrifique et vous obtenez ce dialogue foutraque et furieux. L'instant métaphysique de mon festival !

mardi 5 septembre 2023

Charles Marteau

Un ami proche, Guillaume Le Talaër, lance le projet d'une série de superhéros français, illustrée par un dessinateur de talent, Yann Lovato. Son idée est de croiser l'esprit Marvel avec un certaine idée de l'héroïsme français, de Fantômas à Arsène Lupin. Longue vie à "Charles Marteau, L'homme aux poings lourds"! Disponible sur Amazon, avant d'autres supports...

jeudi 24 août 2023

Laclos woke

Etonnant comme « Les Liaisons dangereuses » (Laclos, 1782) paraît anticiper, avec deux cent cinquante ans d’avance, les débats brûlants du moment. Valmont, sous couvert d’insistance amoureuse, a vraiment tout du harceleur et même du violeur – la scène où il « force le consentement » de Cécile paraît presque insupportable. Merteuil incarne à la perfection la femme manipulatrice capable d’accuser à tort un homme d’agression sexuelle. Cécile, décrite comme une « machine d’amour » parce qu’elle n’a pas assez de caractère pour résister aux assauts masculins, superficielle et légère, n’est pas sans évoquer l’esprit même des réseaux sociaux. Seule la Présidente de Tourvel, s’arc-boutant sur une morale conservatrice de l’amour et du mariage, paraît avoir disparu du paysage actuel… A moins que sa rigidité de principe n’évoque un certain wokisme ? Mais on dirait d’elle aujourd’hui qu’elle « refuse les amalgames » entre tous les hommes...

" Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n'étais pas venu là pour causer, j'ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent, à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu'elle a à garder pour n'être pas surprise : car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d'un baiser, qui n'était qu'une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n'en pas profiter !" (Lettre XCVI)

mercredi 26 juillet 2023

Les petits romans de charme

J'aime beaucoup ce que j'appelle "les petits romans de charme". Parfois naïfs, parfois vieillis, mais faciles à lire et bien écrits, ils sont un bon délassement entre deux livres consistants. Je pense aux romans champêtres de George Sand, au Grand Meaulne, à d'autres moins connus (ou disparus) comme cette "Roche aux mouettes" de Jules Sandeau, qui fait appel à des sentiments forts comme la peur de perdre un enfant, l'appel du grand large... Il y a des lectures de vacances qui ont du caractère.

"D'où me vient la terreur croissante que me cause cet élément ? D'où vient que je ne saurais le regarder longtemps sans éprouver un sourd malaise ? Je me défie de ses caresses, ses emportements m'épouvantent. J'ai beau me dire que je lui dois le dernier trésor qui me reste, je ne l'aime plus, je ne veux plus l'aimer. "

mardi 25 juillet 2023

Voyages

Quel meilleur poète que Baudelaire pour se préparer au Hellfest ? Mort, cimetières, apocalypse... En écoutant Iron Maiden, je me croirais dans le "Voyage" concluant Les Fleurs du Mal, cette longue bordée de fascination morbide... Le métal est vraiment cette famille du rock assumant la dimension funeste de l'existence - un penchant artistique que l'on trouvait déjà en germe chez notre cher Villon.

"Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! Si le ciel et la mee sont noirs comme de l'encre, Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !"