La littérature sous caféine


jeudi 13 février 2014

Petits Blancs contre bobos : le clash ! (Figaro.fr)



Pour LeFigaro.fr, j'ai dialogué avec Thomas Legrand, auteur de La République Bobo, à propos des différences entre "petits Blancs" et bobos. Une confrontation lourde de sens !

Petits Blancs contre bobos : la nouvelle lutte des classes

Par Alexandre Devecchio

DEBAT - À l'occasion de la sortie de La République bobo, un essai original et enlevé de Thomas Legrand, nous avons confronté sa vision à celle d'Aymeric Patricot, auteur il y a quelques semaines d'un livre qui a fait mouche, Les petits Blancs.

Thomas Legrand est éditorialiste politique à France Inter. Il habite dans une surface atypique au coeur d'un quartier mixte aux portes de Paris

Aymeric Patricot est un écrivain français. Il nourrit son oeuvre de son expérience de professeur en banlieue difficile. A priori, il ne brunche pas rue Montorgueil…

Vos deux livres, «la République bobo» et les «petits Blancs» qui sortent à quelques semaines d'intervalle, décrivent deux visages de la France très différents et semblent se répondre. Mais qui sont vraiment «ces petits Blancs» et «ces bobos» que vous dépeignez? Comment les définiriez-vous?

Aymeric Patricot: «Les petit Blancs» sont des Blancs pauvres qui prennent conscience de leur couleur dans un contexte de métissage. Il y a 10 ou 20 ans, ils ne se posaient pas la question de leur appartenance ethnique car ils habitaient dans des quartiers où ils étaient majoritaires. Ce n'est plus forcément le cas aujourd'hui. Certains votent à l'extrême gauche, d'autres basculent à l'extrême droite. Mais ce qui définit les petits Blancs politiquement, c'est souvent l'abstention. La plupart d'entre eux ne se sentent plus appartenir au «système» et expriment parfois de la rancœur à l'égard des minorités ethniques, par lesquelles ils se sentent menacés. Cependant, leur principale source de ressentiment reste dirigée contre les bobos qu'ils accusent d'exprimer du mépris de classe à leur égard. A tort ou à raison, les petits Blancs ont le sentiment qu'ils sont regardés comme des «beaufs» par les bobos. Il y a aussi une fracture d'ordre raciale: le petit Blanc est celui qui n'a pas les moyens de quitter les quartiers très métissés et qui souffre du métissage alors que le bobo peut vivre dans des quartiers populaires, mais a des stratégies d'évitement face aux situations les plus critiques.

Thomas Legrand: Les bobos constituent une partie de la population pour qui le capital culturel à plus d'importance que le capital économique. Le premier est souvent très élevé, tandis que le second est très variable. Le bobo peut être aussi bien un travailleur social doté d'une maîtrise de sociologie, qu'un webmaster qui gagne 10 000 euros par mois. La principale force du bobo est d'être en phase avec la mondialisation, avec la société, et aussi, contrairement au petit Blanc, avec la représentation du monde qu'il voit à la télévision.

La différence entre le bobo et le petit Blanc, c'est aussi effectivement le fait que le bobo peut choisir où il habite. S'il n'a pas beaucoup d'argent, il peut aller habiter dans des quartiers où il y a une importante mixité, mais il n'ira jamais habiter dans une cité du 9.3.! Et ce faisant, il va créer une mixité qui est selon moi bénéfique pour la société. D'ailleurs dans les quartiers où les bobos sont implantés, le Front national est très peu représenté. Les gens se connaissent et s'apprécient. Tout n'est pas rose, mais le bobo essaie d'inventer une nouvelle manière de vivre ensemble. Il est vrai que pour lui, le petit blanc qui vit dans la France périurbaine est un peu «un beauf». C'est l'un des aspects négatifs du bobo qui est assez content de lui, il faut bien le dire!

Libéral sur le plan économique aussi bien que sur les questions de société, les bobos, qui habitent les centres-villes apparaissent comme l'exact opposés des «petits Blancs», souvent conservateurs sur le plan sociétal, relégués à la périphérie, et souffrant des conséquences de la mondialisation. Est-ce vraiment le cas? Est-il opportun de les opposer?

Thomas Legrand: Lorsqu'on lit les témoignages qui sont rapportés dans le livre d'Aymeric Patricot, on s'aperçoit qu'il y a effectivement deux mondes. Lorsque le bobo s'intéresse aux circuits courts et à l'environnement, le petit Blanc prend ça comme une trahison et une violence. Il ne peut pas le comprendre. Néanmoins, la dernière enquête du CEVIPOF sur les fractures françaises, qui a intégré les travaux de Christophe Guilluy, nous permet de nuancer. Plus qu'entre bobos et petits Blancs, les vraies différences se situent entre riches et pauvres. L'appartenance culturelle ou ethnique compte moins que l'appartenance sociale.

Aymeric Patricot: D'un point de vue économique, le petit Blanc n'est effectivement pas très libéral car il a le sentiment de perdre son travail à cause de la concurrence mondialisée. Si le bobo aime la mondialisation, le petit blanc en souffre et s'en sent exclu. Il y a aussi la question des études qui peuvent coûter cher. J'ai de plus en plus d'élèves qui sont obligés de travailler pour financer leurs études. Le petit Blanc aimerait lui aussi être connecté, mais ne le peut pas toujours et en conçoit du ressentiment. D'autant plus que contrairement aux immigrés, on ne lui reconnaît pas d'excuse pour ses échecs. Sur le plan sociétal, j'ignore s'il est réellement conservateur. Je crois que le mariage gay n'est pas son problème. Pour lui, c'est un débat de riches. Il veut du travail et s'agace que la gauche ne paraisse s'intéresser qu'aux homosexuels et aux minorités ethniques.

La question du style est également importante. Je suis prof de banlieue et j'ai des élèves qui se considèrent comme petits Blancs. Ce sont de bons élèves qui ont un capital culturel important, mais ils portent des t-shirts larges, boivent de la Kronenbourg et sont agacés par le snobisme des bobos. Il y a une esthétique «White trash» qui n'est pas celle du bobo. Renaud, ancien petit Blanc qui se moque des bobos, incarne à son corps défendant l'archétype du petit Blanc précisément récupéré par les bobos

Dans votre livre Thomas Legrand, vous expliquez que les bobos ont également contribué à «redynamiser le vivre ensemble». En quoi ont-ils pu créer du lien social?

Thomas Legrand: Le bobo représente une catégorie de la population qui veut bien aller habiter dans des endroits où il n'est pas forcément majoritaire. Il aime bien la culture populaire, l'altérité et les mélanges. Les bobos ont inventé le covoiturage, les jardins partagés et poussé les maires de grandes villes à aménager celles-ci autrement, y compris les villes de droite comme à Bordeaux avec Alain Juppé. Ils sont favorables à la construction de logements sociaux dans les quartiers chics, très actifs dans la vie de la commune, et très attentifs à tout ce qui est social. Les bobos sont paradoxalement à la fois hédonistes et altruistes. Un quartier de bobos se reconnaît au fait qu'il y a beaucoup de boucherie et de fromagers. Le bobo permet ainsi à de nombreux artisans de s'enrichir autour de lui. Enfin, contrairement à une idée reçue, les bobos ne sont pas toujours opposés à la mixité scolaire. Doninique Voynet explique que des bobos à Montreuil se sont réunis à 20 dans une école difficile pour y inscrire leurs enfants. Cela a permis de sauver des classes… Il faut parfois qu'y ait une dose de bobos blancs pour que la mixité soit respectée. En revanche, il est vrai que le bobo, très à l'aise dans la mondialisation ou à l'échelle locale, comprend moins bien l'échelon national envers lequel il a une méfiance politique

Les classes populaires semblent pourtant disparaître des grandes villes. Dans son livre, «Paris sans le peuple», la sociologue Anne Clerval refuse d'employer le terme bobo qu'elle considère comme un «mot piège» préférant celui de bourgeoisie ou de gentrificateurs. «La mixité sociale souvent lue comme un mélange culturel, est très valorisée par les gentrificateurs même s'ils la pratiquent peu dans les faits» explique-t-elle. Derrière l'apparence de l'ouverture, la boboitude n'est-elle pas en fait le nouveau visage de la classe dominante?

La classe bobo est dominante dans le sens où elle est active et où elle est aux manettes de tout ce qui montre le monde. En revanche, elle n'est pas forcément dominante sur le plan économique. Anne Clerval, qui a une vision très marxiste, considère que la mixité n'existe pas. Et lorsqu'elle la constate, elle considère que ce n'est pas une bonne chose. Les sociologues marxistes parlent du retrait résidentiel des bobos et leur reprochent de mettre des digicodes. Mais les bobos ont tout de même le droit de ne pas se faire cambrioler! Et s'ils ne mettaient pas de digicode, la droite les traiterait d'angélistes!

Aymeric Patricot: N'y a-t-il pas malgré tout une forme d'hypocrisie avec le digicode? Les bobos aiment la diversité sans reconnaître que celle-ci pose parfois problème! Les petits Blancs reprochent d'ailleurs aux bobos de leur faire la morale et de ne pas s'appliquer les principes qu'ils prônent. Enfin, il n'est pas toujours vrai que plus il y a de mélange, moins il y a de tension. Je pense par exemple à une société comme le Brésil qui est à la fois très hétérogène et très violente.

En poussant les classes populaires dans les zones périphériques et en employant des sans-papiers par solidarité intéressée, les bobos participent tout de même à l'organisation d'une société inégalitaire qui les arrange… Peut-on aller jusqu'à parler de nouvelle lutte des classes?

Thomas Legrand: C'est la critique des bobos qui est portée par la gauche de la gauche avec l'idée sous-jacente que lorsqu'on défend la mixité c'est qu'on accepte les inégalités. Lorsqu'on refuse l'idée d'inégalité, comme la gauche radicale, on ne défend pas la mixité sociale, mais la lutte des classes. La gauche marxiste considère ainsi les bobos comme une nouvelle bourgeoisie qui prend les atours du progressisme. Il est vrai que dans bobo, il y a bien «bourgeois».

Aymeric Patricot: L'extrême droite fait exactement le même reproche au bobo, mais en terme d'inégalité raciale.

Aymeric Patricot, pourquoi préférez-vous le terme de «petits blancs» à celui de classes populaires. Est-on en train d'assister à une ethnicisation des rapports sociaux?

Aymeric Patricot: Je ne renie bien sûr pas le terme de «classes populaires». Cependant j'utilise le terme de «petit Blanc» car je n'évoque pas seulement les pauvres, mais aussi la question raciale qui est réapparu depuis les années 2000 avec les émeutes de 2005, le débat autour de la discrimination positive ou encore le fait que les minorités s'organisent en associations. Certains politiques ne raisonnent qu'en termes sociaux, d'autres qu'en termes raciaux. Je crois, au contraire, que les deux questions sont désormais mêlées. Les petits Blancs sont situés dans ce qu'on pourrait appeler «l'angle mort de la sociologie politique. Ils intéressent moyennement la gauche parce qu'ils sont blancs et moyennement la droite parce qu'ils sont pauvres.

Thomas Legrand: Notre République ne reconnaît pas les races, ni les ethnies, mais reconnaît paradoxalement le racisme. La République laïque et non raciale est un bien commun, mais il ne faut pas être hypocrite lorsqu'on aborde ces questions.

Par leur fascination pour le métissage et leur refus de voir les conséquences parfois néfastes de l'immigration, les bobos sont-ils en partie responsable du sentiment d'insécurité culturelle qui taraude les classes populaires?

Aymeric Patricot: Je répondrais par une anecdote, j'ai rencontré une jeune fille qui était la seule blanche de sa classe en seconde et qui m'a dit être tombée en dépression. Tous les profs demandaient en début d'année à chaque élève d'où ils venaient. La jeune fille avait le sentiment d'être nulle et s'est inventée des origines pour ne pas se sentir exclue. Cela traduit bien l'angoisse du petit Blanc qui se sent menacé et qui n'arrive pas à vivre les bouleversements ethniques récents de manière apaisée.

Le petit blanc ne se sent pas aimé des autres blancs plus aisés. Il se dit: «En face de moi, il y a des minorités soudées, tandis que moi je ne suis pas aidé par le bourgeois ou le bobo.» Il n'y a pas de solidarité ethnique entre Blancs puisque le bobo considère qu'il ne faut pas parler de race.

Thomas Legrand: Le bobo a du mal à comprendre la question du racisme anti-blanc qui est une réalité dans certaines banlieues. Mais en ce moment, il y a une véritable tempête sous son crâne. Pour le bobo, le réac, le méchant n'est plus tellement le bourgeois traditionnel avec lequel il ne vit plus, bien qu'il n'aime pas tellement le voir manifester sous ses fenêtres contre le mariage gay, mais plutôt le barbu, le petit caïd qui traite sa femme et ses enfants en bon macho. Le bobo a du mal à le reconnaître et se demande s'il n'est pas en train de devenir raciste. La laïcité et la République lui permettent heureusement de se sauver lui-même et de gueuler contre le barbu sans avoir trop mauvaise conscience!

Malgré leurs différences, la «République bobo» et la «France périphérique» peuvent-elles se réconcilier ou une partie du peuple est-elle en train de faire sécession?

Thomas Legrand: A partir du moment où le bobo est une population en phase avec la mondialisation et en phase avec le mélange, il peut très bien vivre avec des gens venant de tous les horizons du moment qu' il ne se sent pas trop minoritaire. Ce sont des équilibres très difficiles à trouver et les politiques d'aménagements publics, de transport et de logement, auront une importance de plus en plus capitale à l'avenir.

Aymeric Patricot: On peut éviter la fracture définitive, mais à condition qu'il y ait une parole libre autour de ces sujets. La notion de «white flag» est peu évoquée en France. Il s'agit du fait que dans les quartiers qui se métissent fortement, les blancs qui sentent qu'ils vont devenir minoritaires partent. C'est ce qui s'est passé aux États-Unis à Detroit lorsque la ville a chancelé économiquement et c'est un phénomène qui pourrait se développer en France.

mardi 28 janvier 2014

"Les Blancs sont-ils toujours coupables ?"



De l'inconvénient de publier un article le lendemain de l'interdiction du spectacle de Dieudonné et le jour même de l'affaire Gayet... Ou comment passer complètement inaperçu sur la Toile. Cet article de ma part sur le Huffington Post n'a pas suscité le moindre commentaire, contrairement aux précédents billets publiés sur le net à propos des "Petits Blancs".

Les Blancs sont-ils toujours coupables ?

Lorsqu'il est blanc, un SDF mérite-t-il notre mépris ? C'est au fond la question à laquelle se proposent de répondre deux livres parus cet automne, deux livres qui partagent en partie leur sujet d'étude mais diffèrent par leur méthode et leurs réponses.

Dans le premier, "Les petits Blancs" (Plein jour, octobre 2013), je cherche à cerner une figure assez nouvelle sur l'échiquier social français, celle du Blanc pauvre, prenant conscience de sa couleur de peau dans un contexte de métissage. Véritable angle mort de notre sociologie politique, il a le défaut d'être blanc pour les partis de gauche et d'être pauvre pour les partis de droite. Du point de vue social, il est difficile de le tenir pour un privilégié. C'est d'ailleurs en partie le constat de Barack Obama lui-même qui a su faire place aux Etats-Unis, dans ses discours, à la question de la rancœur, parfois légitime, des classes modestes blanches. Et j'ai cherché à recueillir, sur le terrain français, un certain nombre de discours et de ressentis chez ces personnes qui se sentent "petits Blancs" ou que l'on désigne comme tels.

Dans le second livre, "De quelle couleur sont les Blancs ?" (La Découverte, novembre 2013), un aéropage de sociologues, d'auteurs et d'artistes se sont également interrogés sur l'identité paradoxale du Blanc dans la France d'aujourd'hui. Le volume entend faire le point sur une notion que l'on croyait périmée mais que l'actualité récente a remis sur le devant de la scène, et c'est en creusant notamment dans le passé colonial que les auteurs cherchent des pistes. Il est d'ailleurs frappant que cette publication ait suivi de quelques jours celle des "Petits Blancs". Cela révèle quelque chose, me semble-t-il, des bouleversements à l'œuvre dans la société française.

Certes, il y beaucoup de choses passionnantes dans ce volume. Les articles de Sylvie Laurent, notamment, dont j'ai d'ailleurs cité dans ma bibliographie le très beau livre "Poor white trash", établissent un certain nombre de constats sur la notion de white trash aux Etats-Unis. Ils décrivent par exemple la situation complexe qui est faite à ces Blancs considérés comme dégénérés à la fois par les minorités ethniques et par l'establishment blanc.

Historiens, sociologues, écrivains dressent par ailleurs dans le livre un assez vaste tableau de ce que la notion de Blanc a pu charrier de fantasmes dans les colonies françaises et en métropole. Ils rappellent à bon escient comment la France a racialisé bon nombre de rapports sociaux, parfois jusqu'à l'absurde, et qu'il est difficile de réfléchir à cette notion aujourd'hui sans faire appel à l'histoire. Je partage avec ces auteurs la conscience qu'il devient urgent de parler de ces thèmes-là, ainsi qu'un certain nombre de considérations, par exemple sur le fait que la notion de "blanchitude" varie avec les sociétés, les époques, et sur le privilège qui peut être parfois celui des Blancs. Ce privilège, étudié depuis quelques années par les whiteness studies américaines, donnerait aux Blancs le droit de faire abstraction de leur couleur de peau et de se croire porteurs de valeurs universelles - un privilège, cela dit en passant, que s'arrogent précisément certains auteurs du volume.

Il y a cependant des partis pris dans ce livre qui le distinguent assez nettement du mien, et qui me paraissent pouvoir être discutés.

Tout d'abord, le point de vue adopté par le volume de La Découverte est surtout celui de l'histoire. Il fait le pari d'évoquer rapidement la question des "petits Blancs" d'aujourd'hui sans prendre la peine de donner la parole à aucun de ceux qui se sentent appartenir à cet embryon de communauté, ni même à aucun désigné comme tel par les médias. Le point de vue est réellement surplombant. Il interroge l'expression mais surtout il la remet en cause : il ne serait pas juste de l'utiliser car elle relèverait d'une stratégie d'inversion, renversant le racisme institué par le système colonial en victimisation des descendants de criminels.

Ensuite, à ce point de vue surplombant, le livre ajoute quelques textes militants qui, par leur virulence, donnent leur sens à l'ensemble. Selon ces textes, il n'y aurait d'une part de "blanchitude" que coupable. D'autre part la seule posture digne pour un Blanc serait, selon l'un des auteurs, d'être "traître à sa race". Le vocabulaire est excessif, proche de la révolte, et des expressions comme "domination blanche" y sont perpétuellement utilisées. Or elles ne me semblent pas rendre justice de la situation réelle de la France contemporaine. Si les discriminations ne sont pas à sous-estimer, il est en revanche impossible d'associer la République française actuelle à un système d'apartheid ou de ségrégation, l'Etat lui-même prenant à bras le corps, avec des résultats certes à discuter, la question des inégalités. Dans ces conditions, proférer qu'il faut, quand on est blanc, se montrer "traître à sa race", c'est à la fois s'interdire de penser la réalité dans toute sa complexité et faire preuve d'un esprit d'intransigeance qui, je dois l'avouer, me fait froid dans le dos.

Et puis, qu'est-ce que cela signifie au juste qu'être "traître à sa race"? Comment se comporterait l'auteur de cette expression, par exemple, face à un SDF blanc ? Lui signifierait-il qu'il doit faire un acte supplémentaire de contrition ? Qu'il devrait expier davantage encore le racisme d'ancêtres qui ne sont d'ailleurs pas forcément les siens ? J'ai du mal à me dire que ce SDF reste un privilégié. C'est pourtant ce que sous-entendent - et parfois, expriment - la plupart des auteurs du volume de La Découverte. A leurs yeux, le SDF blanc ne serait pas à plaindre par rapport au bourgeois métissé ; la "domination blanche" voudrait qu'un Blanc, aussi pauvre soit-il, reste détenteur d'un pouvoir symbolique dont serait dépourvu tout membre, aussi riche soit-il, d'une minorité. Mais ce pouvoir symbolique me paraît bien maigre, à moi. Comment ne pas voir que des brimades quotidiennes en font un piètre privilège ? Qu'on se rappelle une récente affaire de groupe de visiteurs "défavorisés" refoulé du Musée d'Orsay à cause de leur odeur : sinistre inversion d'anciennes obsessions racistes.

Si je m'en tiens à l'une des hypothèses de mon livre - hypothèse que d'autres auteurs publiés par La Découverte font eux aussi depuis des années, notamment Eric et Didier Fassin dans leur passionnant livre "De la question sociale à la question raciale" -, à savoir que depuis le milieu des années 2000 il est venu s'ajouter en France à la question sociale une question raciale, alors "être traître à sa race" revient à réduire toute question sociale à la question raciale. Inversement, il arrive à certains de vouloir "diluer" toute question raciale en réduisant par exemple tout conflit à des questions économiques. Il me paraît plus juste d'essayer de tenir compte, en général, et autant que les circonstances nous y autorisent, dans la société française d'aujourd'hui, de ces deux grilles d'analyse.

Dans le livre de La Découverte un chanteur du groupe Zebda parle avec une candeur stupéfiante des coups de poing que recevait dans son école un fils d'ouvrier blond. "C'était un fils d'ouvrier, modeste comme nous, mais il nous semblait parfait: beau, blond, blanc.On était sous sa botte. Jusqu'au moment où quelqu'un de notre bande est venu l'affronter; quand le blond a pris son premier coup de poing dans la gueule, il a été démystifié. Il est tombé, il a demandé pardon..." Eh bien c'est lui, le Petit Blanc ! Ce fils d'ouvrier qui se fait tabasser sans que personne n'y trouve à redire, pas même des sociologues qui se contentent d'opiner de la tête : "Retour de bâton..." Certes, on comprend d'où vient cette violence ; elle n'en reste pas moins inacceptable, surtout quand elle s'abat sur des enfants.

Je me demande ce que répondrait Eminem, habituellement tenu pour un archétype du white trash, aux auteurs de La Découverte, s'il arrivait dans une France sur laquelle on aurait soufflé davantage encore sur les braises de la rancœur. Peut-être répéterait-il un discours tenu dans une chanson de 2002, une chanson qu'il adressait à l'"Amérique blanche" - entendez, non pas celle des white trash en caravane mais celle de l'establishment, "White America", qui disait en substance : "Fuck you ! Vous me crachez à la figure mais vous avez peur de moi. Vous dîtes que nous n'existons pas ! Mais vous pourriez avoir une mauvaise surprise, bourgeois : un jour nous débarquerons dans vos salons pour vous mettre une raclée."

mercredi 15 janvier 2014

A la rencontre des "gueules cassées de la misère"

Un bel article de Laurence Biava sur le site BSC News :

Aymeric Patricot a publié son dernier livre en octobre 2013. Il s’agit d’un essai, ponctué d’analyses, de témoignages, de portraits, et de monologues livrés sans tabous. Patricot est allé à la rencontre des « petits blancs » les blancs pauvres oubliés qui évoluent dans un contexte de métissage et il se demande tout au long du livre si comme aux Etats-Unis, on peut ou non parler de «White Trash», c’est-à-dire évoquer ces personnes dont l'angoisse être d’être pris entre deux feux: entre d’une part, historiquement parlant, « les anciens esclaves », qui se font un malin plaisir de lui cracher dessus parce qu'il représente, par sa couleur de peau, l'ancien maître; et d’autre part, les « bourgeois blancs » qui le méprisent pour son comportement et sa saleté. L’auteur réfléchit à ce que peut être la «situation du jeune homme blanc» dans la société française d'aujourd'hui et à cette nouvelle misère qui se dresse devant lui comme un mur impossible à escalader. Le tableau ou plutôt les tableaux protéiformes dépeints dans l’essai évoluent au gré des situations personnelles à chacun ; ils sont souvent chaleureux, parfois froids, tristes, déprimés, saisissants de réalisme divers, d’où filtre parfois de la violence, celle-ci s’exprimant avec des mots crus. Le récit plonge donc dans la France d’en bas, celle des quartiers pauvres de la République, où le racisme, les préjugés, la haine des autres et la haine de soi, se concentrent autour de la tentation permanente de rompre, de basculer, d’en finir.. Fort de ses expériences personnelle et professionnelle d’enseignant en banlieue, l’auteur s'intéresse à la double peine souvent ressentie par ceux qui sont méprisés des élites et se sentent quelquefois étrangers dans leur propre pays. Il raconte ces gueules cassées, humiliées souvent et le texte, au-delà des exemples qu’il cite (l’auteur « pioche » dans la musique et le cinéma) se souvient de ces témoignages télévisuels ou ruraux parmi les plus émouvants. Les jeunes, méprisés, retranchés à regret dans leur campagne, traités de « beaufs » et de « bouseux », complexent à l’idée de venir « en ville », et s’ils ne sortent pas, c’est parce qu’il n'y a rien, pas d'offre culturelle quand il y en a beaucoup dans les quartiers populaires. L’enquête d’Aymeric Patricot est passionnante en ce qu’elle aborde l’évolution des discriminations depuis les années 70, l’accroissement de la brutalité physique et morale, la cristallisation des rancoeurs de jeunes gens littéralement coupés des mondes économique et politique, l’aspect politisé du débat, ou plutôt de tous les débats, sans jamais tomber dans le rigorisme fragile, l’approximation ou la mésinterprétation. Il est d’abord question d’« identité » et de sa dimension universelle mais également de problématiques « raciales » surajoutées aux questions déjà soulevées, c’est-à-dire « sociales», ainsi que des tensions nouvelles entre les communautés nées dans un climat délétère. Au-delà de la description de l’aspect sociologique de tous ces désirs et ces frustrations croisés, au-delà de la fantasmagorie qui les incarne, est ensuite mis en relief une autre forme de mépris: celui qui s'exerce dans les élites, en ce que la fracture et la discrimination qui existent désormais entre la bourgeoisie blanche et les «petits Blancs» sont si ancrées qu'elle relève d'une différence raciale: Aymeric Patricot précise que certains membres autoproclamés de l'élite n'hésitent pas à voir dans les plus pauvres des gens dégénérés, pour lesquels on ne pourrait plus rien.

L’opus livre quelques pistes de réflexions à partir de ces éléments qui contribuent à forger la prise de conscience d'une classe pauvre et blanche, blanche parce que «n'appartenant pas aux publics qui intéressent la classe politique». L’auteur énonce : « De même que le Noir était auparavant le Non-Blanc, le petit Blanc est aujourd'hui le «non-minoritaire. Une conscience « raciale » est-elle en train de se substituer à une conscience de classe ?». Il est important de lire sans hésitation ce livre acéré et très littéraire qui fait également la part belle à quelques écrivains parmi lesquels Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre, Norman Mailer, Dany Laferrière. Ou comment essayer sans faux fuyants de cerner des approches inattendues, des visages bouleversants, des réalités méconnues qu’il est urgent d’appréhender, pour éviter l’escalade de la violence.

dimanche 5 janvier 2014

"Les Français ne croient plus en leur avenir" (Echo belge)

Cette semaine, une page sur le thème "Les Français ne croient plus en leur avenir" dans L'Echo belge signée Isabelle Repiton, qui m'a interviewé à propos des Petits Blancs:

Qui sont ces «petits Blancs» sur lesquels vous venez de publier un livre, mi-essai, mi-recueil de témoignages?

En enseignant 10 ans en France dans des quartiers très métissés, j’ai constaté que la question raciale est venue s’ajouter à la question sociale. Les «petits Blancs» sont divers comme les témoins de mon livre: ancien ouvrier, paysan, SDF, chômeuse, gardien d’immeuble, employé… Le trait commun, c’est qu’ils se sentent abandonnés, exclus. Ils ne rentrent dans aucune case, ils sont dans un angle mort. La pauvreté n’intéresse pas la droite. La gauche socialiste a délaissé les questions sociales, pour celles des minorités ethniques et sexuelles. Cela génère une rancoeur: «je suis pauvre mais je passe pour un privilégié (parce que je suis Blanc)». Aux Etats-Unis, la notion de white trash (déchet blanc), dont le chanteur Eminem est un représentant, a pignon sur rue. Des universités ont des cursus de whiteness studies.. En France, il y a un déni, c’est un thème interdit.

Quelles conséquences politiques?

Certains votent pour les extrêmes, Front National ou extrême gauche, mais beaucoup ne votent plus. Les «petits Blancs» se sentent pris entre deux fronts: les minorités ethniques d’une part, et la bourgeoisie bien pensante d’autre part. Celle-ci leur fait la morale, les accuse de racisme, bien qu’ils se métissent plus qu’elle. Le spectre du déclassement hante une partie des classes moyennes, qui a peur de retomber dans la pauvreté dont leurs parents avaient pu s’extraire. D’où leur mépris pour les petits Blancs.

Pourquoi parlez-vous de «déculturation» des petits Blancs?

J’ai été frappé lors d’une visite au Louvre, que des élèves musulmans connaissent Jésus, sa place dans le Coran, et se sentent plus à l’aise avec la présence du Dieu chrétien dans la peinture, qu’un «petit Blanc» élevé sans religion. Celui-ci n’a pas «d’épaisseur culturelle», face à des gens qui revendiquent des traits culturels affirmés. Or il est censé représenter le pays d’accueil: cette inversion des schémas provoque un déséquilibre, une angoisse existentielle. La Nation, la République, sont des notions disqualifiées, qui ne comblent plus ce vide culturel.

samedi 4 janvier 2014

"N'avoir sa place nulle part"

Bel article d'Ariane Charton sur son blog Les âmes sensibles à propos des Petits Blancs :

J’ai lu le livre Les Petits Blancs d’Aymeric Patricot en partie dans le métro, profitant de longs trajets que j’avais à effectuer. Une fois, station place d’Italie, station où se croisent « petits blancs » et immigrés de différentes origines, je suis tombée sur cette affiche. D’abord j’ai pensé que ces tags allaient bien avec Cocteau parce qu’ils symbolisaient une sorte de spontanéité qui plaisait à Cocteau. Hélas, ces tags n’avaient rien de créatif. Je suis restée devant cette affiche pour tout lire. Quelques passants se sont arrêtés pour regarder à leur tour, notamment une vieille dame en manteau de fourrure qui avait une mine un peu outrée par ce qu’elle devait considérer comme une dégradation. Certains se sont étonnés de me voir photographier l’affiche (d’autant que je n’avais pas l’allure d’un photographe reporter travaillant sur un sujet de société ni d’une touriste). Je me suis dit que cette affiche était une illustration possible de mon billet.

L’ouvrage Les Petits Blancs d’Aymeric Patricot a été commenté par plusieurs journalistes et chroniqueurs sans doute plus compétents que moi pour juger du livre du point de vue sociologique et politique. Je ne dirais pas que le monde actuel ne m’intéresse pas, au contraire, je l’observe. Mais j’ai du mal à ne le considérer que dans son immédiateté. Je le relis généralement à la lumière de l’Histoire voire dans une perspective intemporelle. Ce qui m’intéresse dans le présent c’est ce qui éternel ou qui a déjà existé. En lisant donc le livre d’Aymeric Patricot, j’ai songé que ces petits blancs de 2013 dont il rapporte avec intelligence et sensibilité les propos éprouvaient des sentiments ressentis par bien des hommes avant eux. Sauf que ces hommes d’hier n’avaient pas eu un écrivain pour les écouter et traduire le récit de leurs états d’âme. Que ressentent ces petits blancs dans les banlieues ou zones sinistrées telles certaines campagnes désertées et villes industrielles ? Un sentiment de vide, de non existence. Le malaise de l’homme qui ne se sent accepté nulle part et qui craint la même chose pour sa progéniture. Tous ces « petits Blancs », ces pauvres qu’on n’écoute guère sauf s’ils ont recours à la violence (hélas mauvaise conseillère), ces pauvres qui ne se sentent pas légitimes dans leur propre pays ne se plaignent pourtant pas tous, soit parce qu’ils sont résignés, soit parce qu’ils tentent de garder espoir.original

[...]

jeudi 12 décembre 2013

"Eric Zemmour a encore franchi le mur du çon" (article de Philippe Corcuff sur Rue89)

Un article de Philippe Corcuff, sur Rue89, qui attaque zemmour et tacle le livre au passage, mais pas pour les mêmes raisons. Zemmour taclait le livre également, mais pas pour les mêmes raisons non plus... Vous me suivez ?

"La dernière chronique d’Eric Zemmour dans Le Figaro du 5 décembre, « Petits Blancs et bonnes consciences », a dépassé de nouveau le mur du çon.

Le niveau d’insanitude du gourou médiatique des temps qui puent, dans une double diabolisation dont il a le secret (des « femmes » en général et de « l’immigration arabo-africaine » en général), a été encore une fois explosé.

Dans cette chronique, Zemmour commente le récent livre de l’écrivain et enseignant Aymeric Patricot, « Les petits Blancs. Un voyage dans la France d’en bas » (éd. Plein Jour, octobre 2013). Il écrit ainsi :

« Patricot laisse parler ses interlocuteurs qui lui confient leurs malheurs, leur sentiment de déchéance, leur haine des autres et de soi ; jusqu’à la misère sexuelle des jeunes prolétaires blancs qui, éduqués dans l’univers du féminisme occidental, ne peuvent rivaliser avec la virilité ostentatoire de leurs concurrents noirs ou arabes, qui séduisent nombre de jeunes femmes blanches, blondes de préférence, comme le prouve le succès du site Blanchablacks.com, que Patricot interprète comme la revanche symbolique de la colonisation, sans voir qu’il exprime aussi l’antique attrait des femmes pour le mâle dominant, le vainqueur, à l’instar de ces Françaises qui couchèrent pendant la Seconde Guerre mondiale avec des soldats allemands puis américains. »

Zemmour, qui a été condamné le 18 février 2011 par la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris pour provocation à la discrimination raciale suite à une plainte de la Licra, emboîte ses habituels stéréotypes xénophobes et sexistes.

Sachant tout de la prétendue « nature féminine » à travers les âges, il nous explique en un claquement d’idées choc le lien nécessaire entre leur supposée attirance pour les soldats allemands et américains hier et pour les Noirs aujourd’hui.

Aucun ethnologue, historien ou sociologue n’y reconnaîtra la complexité de faits changeants au cours des siècles et des civilisations ? Que diable ! Zemmour lutte justement contre « les œillères idéologiques et la légèreté médiatique » des « pseudo-savants » s’efforçant de « nier la réalité »… au moyen d’œillères idéologiques et de légèreté médiatique à la manière d’un pseudo-savant prenant ses fantasmes pour la réalité.

Dans le passage cité, Zemmour fait d’ailleurs endosser à Patricot ses propres obsessions. Certes, ce dernier ne convainc pas, dans ce qui se présente comme un essai impressionniste et non une enquête rigoureuse de sciences sociales, de la pertinence explicative de la notion de « petit Blanc », à cause de l’amalgame d’expériences disparates opéré dans une catégorie générale à partir d’un nombre de cas fort restreint.

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mardi 10 décembre 2013

"Une réflexion intègre et sincère" (Entretien avec Karine Papillaud pour Lecteurs.com)

A lire sur le site Lecteurs.com (Orange) :

"Un sujet qui dérange : le petit Français blanc qui rame, selon Aymeric Patricot

Le nouveau livre d’Aymeric Patricot n’a pas fini de faire parler. Dans Les Petits Blancs (ed Plein Jour), il dessine le portrait d’une catégorie « socio-ethnique » dont ni les sociologues ni les historiens ne se sont encore sérieusement emparée, « le petit blanc ». Une réflexion sincère et intègre, appuyée sur des témoignages les plus divers possibles. Une manière de se faire une idée nouvelle des transformations sociologiques du pays, en s’armant fermement contre les inévitables récupérations à venir.

Il fallait un profil atypique comme celui d’Aymeric Patricot pour oser un tel sujet et savoir le décrire tout en nuances, sans aucun refrain idéologique. Professeur de lettres, ainsi qu’il le décrit dans Autoportrait du professeur en territoire difficile (Gallimard), romancier subversif parfois (L’Homme qui frappait les femmes (Leo Scheer)), Aymeric Patricot est un ancien HEC, qui, au retour d’une mission à l’ambassade de France au Japon, décide de passer l’agrégation de Lettres. Le reste se lit dans sa bibliographie, peu nombreuse mais sans futilité. Les Petits Blancs sont son dernier texte en date, entre document, récit et essai.

Entretien.

-Vous consacrez un livre à ce que vous appelez « Les Petits Blancs ». Qui rangez-vous dans cette catégorie ?

J'appelle "petits Blancs" des gens qui sont à la fois pauvres et blancs. Mais j'insiste sur le ressenti : il est difficile, voire impossible, de définir des critères objectifs pour ce genre de choses. Je me base sur ce qu'on appelle une définition "constructiviste" de la race, c'est-à-dire qu'elle est avant tout perçue comme une construction sociale. Les "petits Blancs" seront donc des Blancs qui se perçoivent comme tels ou bien que l'on désigne comme tels - que ce soit pour les valoriser ou les stigmatiser.

-Il faut beaucoup de subtilité pour prendre en compte cette population qui n’est pas homogène, y a-t-il un socle commun à ces petits Blancs et quelle part de la population française représentent-t-ils ?

Il me semble que l'émergence d'une conscience "petit Blanc" pourrait être identifiée dans trois groupes, au sein de la société française actuelle : les paysans pauvres, les ouvriers ou anciens ouvriers, les citadins en grande précarité. Trois groupes évidemment très différents, très éloignés parfois. Mais qui partagent néanmoins certains ressentis, certaines difficultés. Par exemple, le sentiment d'une certaine misère qui vous menace ou qui vous rattrape. Ensuite, celui d'avoir une histoire distincte de celle de ce qu'on appelle les "minorités ethniques". Le petit Blanc ne s'oppose pas forcément aux membres des minorités. Souvent, même, il vit dans une précarité comparable et se sent solidaire. Mais, par la force des choses, il ne vivra pas les mêmes expériences. Les regards croisés, les vécus forgeront une expérience particulière. C'est un simple effet mécanique : si l'on admet que les populations d'origine immigrée vivent des parcours singuliers (par exemple dans le sentiment d'être parfois relégué), alors il faut admettre que l'expérience des "non-immigrés" est également distincte.

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lundi 9 décembre 2013

Un petit rouge pour les "Petits Blancs"

Signature du livre "Les Petits Blancs" au café-librairie LA BELLE HORTENSE (31 Vieille du Temple, Paris 4) le mercredi 11 décembre à partir de 20h.