La littérature sous caféine


mardi 25 janvier 2022

Thèmes sensibles ("La Viveuse", lectures connexes (1))

Préparer la publication d’un roman nécessite presque autant de travail que de préparer l’écriture elle-même : il faut peaufiner un discours, et ça n’a rien à voir avec le caractère instinctif de l’inspiration littéraire.

En amont de la sortie de « La Viveuse » (2.02.2022), je m’imprègne ainsi de lectures qui me permettent d’en éclairer les deux thèmes principaux : le handicap d’une part, la prostitution de l’autre, puisqu’il s’agit ici d’assistance sexuelle.

Je découvre à cette occasion deux livres de Clara Dupont-Monod, traitant précisément de ces deux thèmes, mais l’un après l’autre : « Histoire d’une prostituée (Grasset, 2003), « S’adapter » (Stock, 2021, Prix Femina). Et la sensibilité, la prudence, la délicatesse avec lesquelles l’auteure a abordé ces questions-là, je réalise qu’elles deviennent encore plus impératives quand les deux thèmes s’entrechoquent. Curieusement, ce qui me paraissait assez facile au moment de l’écriture se révèle être, au moment d’un parler, proprement explosif – tant de ressentis, de préventions, de polémiques potentielles…

lundi 24 janvier 2022

Colère et tristesse sur le plateau de Laurent Ruquier

Quelques jours après l'assassinat de Samuel Paty, je disais ma tristesse et ma colère sur le plateau de Laurent Ruquier ("On est en direct")

mercredi 19 janvier 2022

L'amour chien (Contes noirs du Paris moderne, 1.4)



Amandine est la petite fille d’une femme agressée par un chien. Son étrange passion pour le monde canin va bousculer sa vie de grande bourgeoise.

lundi 17 janvier 2022

Echec de l'enseignement du français

Depuis quelques années maintenant, je demande aux étudiants de remplir un carnet de lecture inspiré par quelques œuvres lues pendant l’année, et d’ouvrir ce carnet par une page sur leur rapport à la lecture. Sans surprise, une grande majorité déclare ne pas aimer lire, du moins autre chose que les mangas (de l’ordre de 80 %). Plus triste, la quasi-totalité des étudiants avoue ne pas avoir aimé les livres recommandés par les professeurs, au point que ça ait pu les détourner parfois de la lecture. Faut-il en conclure à l’échec massif de l’étude des classiques ? Espérons qu’il entre une part de mauvaise foi chez les élèves, voire d’aveuglement sur leur propre rapport au savoir…

mercredi 12 janvier 2022

Remarques en vrac sur "Guerre et Paix" de Tolstoï (1/3)

Sa lecture m’aura accompagné tout au long de 2021

J’ai apprécié que l’auteur mène le roman comme une enquête sur le sens de la vie, plusieurs personnages convergeant vers une réponse sans ambages : la seule attitude valable à adopter consiste à épouser la force qui structure l’univers, à savoir l’amour / Tolstoï parsème le roman de digressions sur les lois de la guerre et, mine de rien, j’y ai lu des choses beaucoup plus instructives que chez Clausewitz ou Sun Tzu / Il explique à plusieurs reprises que les lois de l’Histoire nous restent mystérieuses, ce faisant il nous donne envie de nous plonger dans des ouvrages d’histoire ou de philosophie, un peu comme si son roman constituait le seuil pour une œuvre encore à venir / A la fin du roman, Tolstoï nous offre de très beaux chapitres sur le mariage, le présentant comme un idéal exigeant et sublime – ce genre de développement peut paraître conservateur, mais il détone dans un paysage littéraire plutôt consacré, d’ordinaire, au sarcasme vis-à-vis de cette institution / L’auteur donne la sensation d’une grande sincérité, comme s’il jouait sa propre vie, différent en cela de tellement d’autres auteurs brillants du même siècle / Le livre est construit par chapitres assez courts, fondés sur une scène ou une idée forte, aussi denses que des nouvelles ; structure moderne proche du feuilleton, et qui force le respect du lecteur par son efficacité et sa sorte de politesse : il n’y a (quasiment) pas de longueurs dans ce roman de 1500 pages !

samedi 8 janvier 2022

Sydney Poitier, professeur idéal



Dans « Les bons profs » (2019), j’avais décrit le professeur idéal qu’incarnait Sydney Poitier (1927-2022) à l’écran dans un film assez méconnu, « Les anges aux poings serrés » (1967) : « Au fond si les élèves, même parmi les plus rétifs, finissent par tomber dans son escarcelle, c’est qu’il se présente comme détenteur d’une ultime vérité, la seule vraiment précieuse, la seule qui tienne toutes les autres dans sa main, la vérité de la justesse existentielle, une façon cool de se mouvoir entre tous les écueils du destin. »

mercredi 5 janvier 2022

Porno chic is dead

Dans son livre « Le goût du moche », Alice Pfeiffer réserve quelques pages savoureuses à une tendance des années 2000 qui nous paraît bien lointaine : le porno chic, et plus généralement l’hypersexualisation de la mode et de la vie glamour. Il semblerait qu’aujourd’hui la vague MeeToo, le néo-féminisme et le néo-puritanisme aient eu raison de cette sorte d’excitation perpétuelle. A l’heure où James Bond cesse de vouloir séduire et où Néo cède son pouvoir à une Trinity quinquagénaire et bagarreuse, ne serait-il pas demandé aux acteurs et scénaristes de ranger au placard tout attribut sexuel trop marqué, trop provocant, trop genré ?

« Ce débordement sexuel fut le style choisi par toute une génération. Sharon Stone déculottée dans Basic Instinct, les strass lubriques du film Show girls, les décolletés et les Wonderbras de American Pic, les minijupes de Paris Hilton dans The Simple Life, les tenues d’écolières ou en vinyle rouge évoquant (accidentellement) le BDSM de Britney Spears, les pantalons taille utra-basse de Christina Aguilera dans son clip Naughty : une armée de jeunes femmes portait à bras-le-corps ce que les générations précédentes associaient à un dévergondage, et ne s’en portaient que mieux. » (page 101)

mardi 4 janvier 2022

French punk

J’ai toujours beaucoup aimé ce que j’appelle la « littérature punk » - vocabulaire minimal, intrigue à l’os, saillies verbales, désespérance sociale, violence crue, crescendo diabolique… Les Américains excellent dans le genre, par exemple avec le trio de rêve constitué par Kathy Acker, Lydia Lunch et David Wojnarowicz. En France, la catégorie s’impose moins facilement, sauf avec Virginie Despentes – du moins, à ses débuts, parce qu’elle a pris le virage d’une sorte de punk grand public. On trouve cependant quelques pépites, comme l’œuvre du fou furieux Jean-Louis Costes ou comme l’étonnant « Sales chiens » de JB Hanak, qui sort en janvier 2022 chez Léo Scheer. L’auteur s’inspire des tournées infernales qu’il a faites avec son frère pour leur groupe d’électro-punk dDamage et nous livre une prose rapide, nerveuse, tendue, saturée d’extases musicales, de bad trips et d’intrigues brutales culminant dans un final bien dosé. Qui a dit que la French punk n’existait pas ?