La littérature sous caféine


mardi 4 octobre 2022

Locus amoenus

Je me régale avec Le Roman de la Rose (13ème siècle). Ces milliers de vers détaillant les affres de l’amour, ses stratégies, ses pièges, ses extases, ont quelque chose de suranné qui défie pourtant le temps. Quitterons-nous jamais l’idéal béni de la courtoisie ? Je ne connais rien de plus charmant que cette image d’un jardin délivrant les clés de compréhension de la vie.

« Si tu sais pratiquer quelque beau divertissement grâce auquel tu pourrais plaire aux gens, je te commande de le pratiquer. Chacun doit faire en tout lieu ce dont il sait que ça lui réussit le mieux, car c’est de là que viennent la réputation, l’estime et la faveur. » (vers 2188-2192)

lundi 3 octobre 2022

Je donnerais toute la poésie...

Je donnerais toute la poésie du 19ème pour un sonnet de Baudelaire, et toute celle du 20ème pour une page de Breton, tant sa phrase presque noire de densité me foudroie. Et c’est dans ses moments drôles qu’il me donne le plus envie de le rejoindre.

« Mais, pour moi, descendre vraiment dans les bas-fonds de l’esprit, là où il n’est plus question que la nuit tombe et se relève (c’est donc le jour ?) c’est revenir rue Fontaine, au « Théâtre des Deux-Masques » qui depuis lors a fait place à un cabaret. Bravant mon peu de goût pour les planches, j’y suis allé jadis, sur la foi que la pièce qu’on y jouait ne pouvait être mauvaise, tant la critique se montrait acharnée contre elle, allant jusqu’à en réclamer l’interdiction. » (Nadja)

mercredi 28 septembre 2022

Le rêve, la poésie...

Je ne me remets jamais tout à fait des livres d’André Breton, ce magnétiseur.

« Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore. Je le crois propre à entretenir, indéfiniment, le vieux fanatisme humain. Il répond sans doute à ma seule aspiration légitime. Parmi tant de disgrâces dont nous héritons, il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée. A nous de ne pas en mésuser. » (Manifeste du surréalisme)

mardi 27 septembre 2022

Vous n'aurez pas mon amour (Livres sur les attentats (3))

« Vous n’aurez pas ma haine » (Antoine Leiris) n’est pas un livre mais un tract : quelques lignes d’abord publiées sur internet puis augmentées de courts chapitres. Son succès foudroyant doit dire quelque chose de notre époque, une volonté d’apaisement en dépit de toutes les violences, de toutes les avanies, à rebours du slogan que l’on entend si souvent par ailleurs, « ni oubli ni pardon »… La dimension christique de cette attitude a quelque chose de noble – il faut être un saint ou un illuminé pour ne pas haïr, au moins quelques jours, au moins quelques heures, les assassins de sa femme.

Pour ma part, je serais sans doute incapable de cette abnégation. Je ne crois pas non plus que j’apprécierais de savoir que ma famille ne détestera pas ceux qui m’auront mis à mort. J’avoue être tenté de voir dans ce livre non pas le sursaut d’un homme foncièrement bon mais quelque chose comme un symptôme, en tout cas quelque chose d’anormal et d’assez inquiétant. Suis-je donc un homme mauvais pour considérer qu’il est naturel de haïr les assassins de ses proches, quitte à pardonner dans un deuxième temps – mais dans un deuxième temps seulement ?

« Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore. »

mardi 20 septembre 2022

Suicide girls (10/10) (Ultime vertige)

mercredi 14 septembre 2022

Fondre les choses (Livres sur les attentats (2))

Il a fallu plusieurs mois, plusieurs années, mais c’est maintenant acquis : depuis la vague des années 2010, il existe une littérature conséquente sur les attentats, des simples témoignages aux sommes romanesques – et le phénomène est valable pour le cinéma. Le corpus s’étend, il finit par constituer un genre en soi.

Dans « Le livre que je ne voulais pas écrire » (2017), Erwan Larher avait le courage non seulement de décrire l’attaque du Bataclan mais de réfléchir à l’événement lui-même, ce qui n’est pas, loin de là, le cas de toutes les œuvres. Dans « Au carillon, sonne l’heure » (Léo Scheer, 2021), le journaliste de Libération Quentin Girard tente quelque chose de différent. Dans une langue élégante et légère, il raconte la soirée puis les jours qui suivent les événements (dont il n’a pas souffert directement), sondant les échos de la tragédie dans son rapport au bonheur. Curieusement, il se permet de nombreuses digressions sans rapport apparent avec le sujet, ce qui fait le charme du texte. L’évocation des faits se fond dans un livre qui paraît tout mettre sur le même plan. Forcément, la gravité de l’attentat s’atténue. Ce doit être l’effet recherché : diluer le traumatisme, lisser le cauchemar, passer à autre chose… Tout en comprenant le procédé, je ne peux m’empêcher de trouver quelque chose de triste à cette lente intégration du pire dans le quotidien.

lundi 12 septembre 2022

Spectre

En publiant « Les petits Blancs » (2013) puis « La Révolte des Gaulois » (2020), j’ai redouté d’être assimilé à l’extrême-droite puisque j’abordais des thèmes – la pauvreté blanche, la révolte culturelle des campagnes – qui pouvaient indiquer, aux yeux des certains, que je militais du mauvais côté de la barrière. Heureusement, ceux qui m’on lu ont bien compris qu’un auteur ne se confond pas avec son sujet, et qu’on peut s’intéresser à une situation sans prendre parti – même si, par la force des choses, dresser un constat, c’est œuvrer pour qu’il se répande.

Alors, bien sûr, je n’ai pas convaincu tout le monde et certains lecteurs m’ont témoigné leur désaccord, mais c’est le jeu des prises de parole et, surtout, les accueils positifs se sont répartis sur l’ensemble du spectre politique – Le Point, Le Figaro, L’Obs, La Croix… Pascal Bruckner m’a cité dans « Un coupable presque parfait », Paul Conge (de Marianne) s’est fendu d’une analyse dans « Les Grands remplacés », et cet été Daniel Mermet m’a fait l’amitié de me recevoir, ainsi que Rosa Moussaoui, pour une demi-heure d’interview sur le site de « Là-bas si j’y suis ». La crise du Covid avait enterré la crise des Gilets jaunes, quelque chose me dit que ces thèmes-là sont destinés à durer. Mieux, ils s’apprêtent à ressurgir…

lundi 5 septembre 2022

Suicide girls, épisode 9/10 (Retrouvailles)



Manon et Amaury décident de se retrouver à Paris.