Aujourd'hui je m'étonne que les cours magistraux aient si mauvaise presse... A l'iufm il nous était clairement signifié qu'il fallait les éviter, autant que possible (consigne caractéristique de la ligne "pédagogiste"), et il m'arrive encore souvent d'entendre de la bouche de professeurs que "les cours magistraux, ça ne marche pas"...

Curieusement, j'ai le sentiment inverse: certes, il est nécessaire de varier les effets, de favoriser l'échange, d'éveiller chez l'adolescent une conscience critique... Certes, une part des élèves n'est pas réceptive au déroulé d'une leçon qui ne lui demande que de prendre en notes et de comprendre, éventuellement... Mais je suis persuadé, maintenant, qu'un cours a besoin d'une sorte de colonne vertébrale qui serait, précisément, une partie de cours magistral pur, revendiqué comme tel. Contrairement à ce qu'il est souvent alégué, les élèves les plus faibles expriment eux-mêmes le besoin de ces parties dictées. Il y a quelque chose de rassurant, de structurant, à savoir qu'il existe un noyau de connaissances auquel se référer pour progresser. (Sans parler même de l'irremplaçable pouvoir "pacificateur" de ces minutes où le professeur dicte un cours à des élèves qui, dès lors, se taisent...)

Mais surtout, comment ne pas voir le plaisir des élèves à prendre en notes un cours qui leur semble intéressant ? Personnellement, les seuls cours dont je me souvienne avec émotion, les seuls cours à m'avoir appris quelque chose ont été des cours magistraux... Un professeur de français m'a ébloui, l'année de première, par ses brillants commentaires de Proust ou de Céline (une trentaine de textes étudiés cette année-là); quelques années plus tard, je jubilais à chaque minute d'un cours magistral de philosophie politique à HEC (des leçons qui n'excluaient pas les questions des étudiants) et c'est à l'Université Paris IV, plus tard encore, pendant mes études de philosophie, que je tombais en extase devant un cours d'esthétique, dont l'heure ultime, en forme de synthèse particulièrement dense, m'a laissé pantois... Chaque fois, je n'aurais pas aimé que des étudiants interrompent le cours par des remarques intempestives sans grand intérêt. Ce qu'il y avait de beau, précisément, c'était ce côté frontal, ce déversement de connaissance pure et je ne voyais pas ce qu'il y avait d'infâmant à ce que l'élève, la plupart du temps, se contente d'écouter...