Je ne résiste pas à l'envie de mettre en ligne quelques photos des trottoirs du 20ème arrondissement à Paris (aux alentours de Jourdain, sur les hauteurs de Belleville, le long de la rue de Belleville). Cela fait plusieurs années maintenant que j'y habite, et je trouve que la saleté de ses trottoirs atteint maintenant des seuils franchement répugnants (du moins, le long de certaines rues)... La faute aux parisiens ? La faute aux services publics ? La faute aux commerçants, qui n'ont pas l'idée de balayer devant chez eux ? Sans doute un peu des trois, mais ce détail apparemment sans importance me donne vraiment envie de déménager...

Petit débat à ce propos sur ce lien-ci.



Je ne résiste pas non plus à l'envie de citer ici Malaparte, dont je dévore en ce moment l'hallucinante Peau (hallucinante au sens propre du terme puisque de nombreuses scènes, dans le Naples de 1943 libéré par les alliés, ne relèvent manifestement plus du réalisme) et dont l'atmosphère de joyeuse fin du monde, de honte généralisée, de dépravation débridée, rend dérisoire par contraste la misère grise de mes trottoirs bien quotidiens.

Quel livre ! Prose puissante et classique (limpide et relativement linéaire) mais furieusement moderne par ses envies de provocation (les soldats noirs décrits comme victimes consentantes d'un véritable esclavage sexuel) et par ses visions extatiques d'une Naples livrée à une étrange peste (mélange de rages meurtrières et sexuelles).

C'est du Céline avec moins d'effets, du Bataille avec plus de romanesque (on y trouve le même goût pour les paradoxes sur le thème de la honte et de la salissure), du Moravia avec moins de retenue...

Exemple, avec ce portrait de cyniques homosexuels, séduisant les plus miséreux de Naples (édition Folio, page 126) :

"Parmi ces malheureux, les nobles Narcisse essayaient de racoler quelques nouvelles recrues pour leur fairy band, croyant faire un grand exploit, ou qui sait quel acte intrépide ou astucieux, en essayant de corrompre ces jeunes privés de toit et de pain, abrutis par le désespoir. C'était peut-être leur aspect sauvage, leur barbe hirsute, leurs yeux brillants de fièvre et d'insomnie, leurs vêtements en lambeaux, qui éveillaient chez les nobles Narcisses d'étranges désirs et des concupiscences raffinées. Peut-être l'angoisse et la misère de ces malheureux étaient-elles justement cet élément "souffrance" qui manquait à leur esthétique marxiste ? La souffrance d'autrui, il faut bien qu'elle serve à quelque chose."